La vaccination est en panne, les hurluberlus dans la rue et la classe politique aux abonnés absents. Ambiance.
Les pleureuses sont dans la rue. On veut parler des différentes associations de bric et de broc qui ont manifesté et manifestent encore contre la loi Covid. Avec des récriminations de toute allure et de tout poil. Danger pour les droits humains! Discrimination! Vaccination forcée! Surveillance de masse! Société à deux vitesses! Chantage! Ségrégation! Apartheid sanitaire! Berset démission!
Au point pour certains, comme les autoproclamés Amis de la Constitution, de tout mélanger, pour ne pas dire de tout galvauder, eux qui glorifient leur combat contre l’incitation à la vaccination, le passe sanitaire ou les traçages, en évoquant assez pompeusement une «responsabilité envers les générations futures» ou encore un «besoin de réinventer le vivre ensemble».
On aurait pourtant sans doute tort de ramener le phénomène à un ramassis d’hurluberlus diversement allumés. La part des récalcitrants apparait comme loin d’être anodine. Il semble en effet que l’élan vaccinal se soit arrêté à 60%, un taux bien insuffisant et qui ne décolle plus.
Comme le résume un médecin cantonal dépité dans le SonntagsBlick: «Tous ceux qui le souhaitaient sont vaccinés, les autres ne veulent pas. Le Conseil fédéral peut rêver, cela ne sert à rien, les gens n’en veulent tout simplement plus. Vous pouvez leur dire tout ce que vous voulez, ils ne vous croiront pas.»
Qualifier de «rêves» les mesures certes un peu désordonnées du Conseil fédéral pour relancer la vaccination est un peu cruel. Mesures qui vont de l’envoi de contingents de conseillers en vaccination appelés à faire du porte-à-porte, jusqu’au versement de petites sommes d’argent, 50 francs en l’occurrence.
On peut en rire évidemment. Concernant pourtant le versement d’argent, une étude menée à Stockholm, par des chercheurs suisses, a montré que là-bas le taux de vaccination avait augmenté de 4% depuis que les vaccinés s’étaient vu proposer une prime de 200 couronnes, soit 21 francs.
Ce qui est moins drôle en revanche, c’est l’apathie dont semble faire preuve le Parlement et les différents partis politiques, peu désireux, ou peu capables de répondre aux manifestants et à leurs perles de contre-vérités. Le Blick –version francophone cette fois–, avance plusieurs explications à cette paresse: manque de ressources financières, constat que les gens ne changeront plus d’avis, et surtout le fait qu’il y ait politiquement peu à gagner dans cette bataille.
C’est au point que les uns et les autres se refilent comme une patate chaude l’honneur de défendre la loi Covid. Un porte-parole du PLR fait savoir que c’est au PS de s’y coller puisque, après tout, c’est un de ses deux conseillers fédéraux, le camarade Berset, qui est en charge du dossier. À quoi les camarades rétorquent que le PLR «fuit ses responsabilités» et que c’est bien «dommage».
Bref la bataille autour de la loi Covid se résume pour l’heure à des échanges de jérémiades et de reculades. Dans ce contexte, on peut saluer la voix, certes très solitaire, de la conseillère nationale Stéfanie Prezioso (Ensemble à gauche) qui ose, dans Le Courrier, briser le seul vrai tabou en prônant l’obligation vaccinale: «Il s’agit d’une obligation sociale et citoyenne découlant du caractère public et collectif des questions de santé. «Ma liberté» n’en est véritablement une que si elle n’attente pas à celle des autres. Or refuser la vaccination attente à la santé des autres parce qu’elle facilite la circulation et les mutations du virus.»
C’est un des nombreux et spectaculaires, pour ne pas dire hallucinants, effets secondaires du Covid: l’extrême-gauche comme dernier rempart du civisme!