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De l’électricité, mais dans l’air seulement

Une campagne de vaccination qui sonne comme un terrible échec, des pénuries d’énergies annoncées: ces jours, l’Etat n’a pas la mine du vainqueur. Fumée blanche en vue pourtant.

Donc, la vaccination, c’est mort. Les bras en tout cas se baissent un peu partout. Le conseiller d’Etat genevois en charge de la santé, Mauro Poggia, est au bord de la crise de nerfs. «Je ne sais plus quoi faire sans paraître ridicule ou inutilement menaçant», se lamente-t-il dans les colonnes du Temps. Le chantage au passe sanitaire et les coups assénés au porte-monnaie avec des tests payants semble avoir fait un flop retentissant.

Mauro Poggia, et plus généralement les responsables politiques, ne se sentent en plus pas très aidés: «Les Suisses ont assez d’argent pour se payer les tests, dont les prix baissent, en plus.»  Ah, être à la tête d’un pays de miséreux!

L’heure des regrets sonne déjà. Du genre, dommage de n’avoir pas choisi, plutôt que le pragmatisme et la pédagogie, la manière forte, c’est-à-dire l’obligation,  qui «aurait été une façon pour l’Etat d’assumer le vaccin». Alors que le libre choix au contraire «affaiblit sa position, nourrissant le discours des sceptiques qui prétendent que l’Etat n’est pas sûr de son coup».

Un Etat affaibli, des politiciens qui sentent le rouge du ridicule leur monter au front: la chose commence à se vérifier sur le terrain. Ainsi l’Association suisse des remontées mécaniques a-t-elle pu tranquillement décréter que le ski cet hiver, ce serait sans le passe sanitaire. L’OFSP a réagi mollement en qualifiant cette décision «d’un peu présomptueuse». D’autant qu’elle ne pouvait être prise que par le Conseil fédéral. Dans le même temps, une commune montagnarde –que l’on ne nommera pas pour ne pas l’accabler et non parce qu’on y possède une modeste résidence secondaire–, débloque des subventions pour ses administrés qui préféreraient les tests désormais payants à la vaccination.

Pas étonnant donc si les autorités fédérales et cantonales paraissent déjà résignées à un taux de vaccination bloqué à 62% et ne croient plus à l’efficacité d’un effort pédagogique supplémentaire. Comme le résume le ministre de la santé jurassien Jacques Gerber: «Dire “je ne suis pas antivax, mais…”, c’est comme dire “je ne suis pas raciste, mais…”. A un moment donné, si vous ne vous faites pas vacciner, c’est que vous êtes contre.»

L’Etat est dépité et comme surpris de l’être. La même impression se retrouve s’agissant de l’autre sujet qui fait jaser dans les chaumières: les pénuries d’électricité annoncées comme probables par une étude de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN).

La Suisse, très dépendante de ses voisins à ce niveau, se retrouve en effet pénalisée par l’absence d’accord-cadre avec l’Union européenne. Il aurait peut-être fallu y penser avant de renoncer en rase campagne à l’accord en question. Comme il aurait peut-être fallu ne pas inscrire la fermeture des centrales nucléaires dans le projet «Stratégie énergétique 2050» validé par le peuple en 2017. On en est à imaginer le recourt à des mini-centrales à gaz. Bonjour le CO2, et chapeau les artistes.

Dans ce contexte d’indécision et de morosité, on est presque surpris d’apprendre que la Commission de la santé du Conseil des Etats vient de soutenir massivement –9 voix contre 2, autant dire l’unanimité–,  une initiative parlementaire d’un député du Centre visant à la régulation du marché du cannabis. Avec contrôle de la production et du commerce assuré par l’Etat, dans le but, difficilement contestable, de mieux protéger la jeunesse et d’assécher le marché noir.

Même s’il est probable, en raison des caractéristiques du système législatif suisse, que la libéralisation ne soit pas tout à fait pour demain matin, cela apparaît quand même comme une saine bouffée de volontarisme et de cohérence.