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Présumément

L’attaque au couteau de Lugano a montré la difficulté pour les différents fronts politiques, s’agissant du terrorisme, de ne pas dire à peu près n’importe quoi.

L’amour fou, présumément. Tel apparait le visage du terrorisme en Suisse. La femme qui en a agressé deux autres au couteau, à Lugano mardi dernier, avait en effet tenté de rejoindre en 2017 la Syrie pour un combattant djihadiste dont elle était tombée amoureuse. Avant d’être arrêtée à la frontière turque. Un acte donc, conclut logiquement la Police fédérale, qui peut être considéré comme «présumément terroriste». La même police ajoute que l’agresseuse souffre de troubles mentaux.

Ni l’amour, ni la folie, ni cet adverbe ‘présumément’ -absent des dictionnaires mais très employé paraît-il au Québec- ne saurait impressionner l’UDC qui sonne bruyamment le tocsin, et aurait évidemment tort de s’en priver vu la rareté de ce genre d’évènements en Suisse. Le moins qu’ils pouvaient faire était donc de demander la tenue d’une session parlementaire extraordinaire.

Avec des arguments, déployés par le nouveau patron Marco Chiesa, qu’on n’osera dire à la kalachnikov: «La situation n’est pas prise assez au sérieux dans notre pays. Il nous faut des lois permettant d’avoir un réel impact. On ne résout rien avec la politique angélique mise en place par la gauche.» Évidemment l’UDC, sur ce coup, boit du petit-lait à pleines gorgées, elle qui trois jours plus tôt jouait solennellement les pythies de malheur: «Il ne faut plus se demander si, mais plutôt quand des hommes et des femmes se feront décapiter, poignarder ou abattre par balles en Suisse.»

Haro donc, sans nuances, avec des mesures proposées comme l’expulsion systématique des personnes dangereuses, la révocation de la citoyenneté suisse des double-nationaux, la surveillance des communautés confessionnelles islamiques radicales, le placement des requérants d’asile suspects dans des institutions fermées, la fin des programmes de réinstallation de réfugiés en provenance de régions dangereuses, etc. Le président du Conseil d’Etat tessinois Norman Gobbi (Lega), a pu ainsi ouvertement regretter que «le système législatif ne permette pas de placer sous contrôle, voire d’enfermer des personnes à titre préventif».

Certes, personne ne nie la réalité d’une menace, mais avec quand même un brin, déjà, de défaitisme. A entendre par exemple André Duvillard, délégué au Réseau national de sécurité: «On ne pourra jamais tout surveiller. 60 personnes sont actuellement observées de près, 600 sont dans le radar.»

Certes encore, et c’est le même André Duvillard qui le rappelle: «la Suisse a pris passablement de mesures ces dernières années. Les groupes Al-Qaïda et Etat islamique ont été interdits. La peine maximale encourue pour terrorisme a été portée de 5 à 20 ans.» Des mesures qui peuvent difficilement être qualifiées d’excessives. Certes enfin, en septembre dernier une nouvelle loi contre le terrorisme a été adoptée par le parlement, qui répond déjà en grande partie aux demandes martiales de l’UDC.

Le problème, c’est que cette nouvelle loi est combattue par la gauche qui récolte déjà des signatures en vue d’un référendum. Sur cette question du terrorisme en effet, on voit systématiquement, automatiquement resurgir la même désespérante dichotomie. Aux tartarinesques déclarations de guerre de l’UDC répond la langue de bois d’une gauche qui a choisi depuis longtemps, sur ces situations, de ne rien voir du tout, de se la jouer, on ne sait pourquoi, bisounours effarouché.

À l’image de la conseillère aux Etats verte Lisa Mazzone: «Il est important d’analyser chaque cas pour ce qu’il est, dans sa complexité, et ne pas s’en servir pour justifier des mesures problématiques et dont l’efficacité est discutable.» Bref, parler pour ne rien dire, des fois que l’amour et la folie, présumément, s’en mêlent à nouveau.