GLOCAL

Tempête dans un bénitier

Essoré, le PDC entend se refaire une santé en larguant sa lettre C. Une manœuvre à hauts risques.

L’habit ne fait pas le moine, c’est entendu, ni la barbe le philosophe. De même, comme le dit un proverbe gallois, qu’on n’achète pas une bécasse à cause de son bec. N’empêche, voilà le PDC en train de ruminer un important ravalement de façade.

En cause, la lettre «C» de l’enseigne. «C» comme chrétien. Une étiquette qui ne ferait plus recette, ni le moindre miracle. La dégringolade électorale au fil des années est bien là. Avec ses maigres 11 % la formation centriste n’est plus que le 4e ou 5e parti du pays

Une chute que certains attribuent donc à la connotation religieuse qui ferait désormais effet de repoussoir auprès de bon nombre d’électeurs. C’est en tout cas ce que pense 53% des membres du parti interrogé par sondage, ainsi que son président, le philosophe – imberbe – Gerhard Pfister. L’enjeu, il faut le dire, n’est rien moins que l’unique siège dont dispose encore les démocrates-chrétiens au Conseil fédéral et qui paraît un peu plus en danger à chaque nouvelle législature.

Si certains comme le conseiller aux Etats et vice-président du parti Charles Julliard estime qu’il faut «avoir le courage de se poser la question du changement de nom», bien des pontes et élus, spécialement en provenance de l’insubmersible fief valaisan, ne sont pas loin de crier, sinon au blasphème, du moins à la vanité de la manœuvre: «Si vous n’aimez pas les produits de la Migros et que cette dernière change de nom demain, vous n’irez toujours pas acheter ses produits», prophétise la sénatrice Marianne Maret.

A quoi l’ancien ministre Jean-François Roth rétorque assez justement «qu’on peut mourir avec notre étiquette chrétienne, mais notre influence politique sera nulle, lorsqu’on sera mort».

La manœuvre en tout cas paraît délicate entre les deux écueils consistant à ne pas se couper de la base traditionnelle tout en réussissant à attirer de nouveaux paroissiens. Certains comme la nouvelle conseillère nationale Marie-France Roth Pasquier font preuve d’une grande imagination en proposant de renoncer à la dénomination chrétienne mais pas à la lettre C. Vive le PDC, Parti du Centre. Salomon n’aurait pas fait mieux, même si la ficelle paraît un peu grosse.

Reste que si réellement c’était l’étiquette religieuse qui expliquait la chute du PDC, ce ne serait pas bien grave. Malgré le sévère contre-exemple historique de l’URSS, il ne semble en effet pas absurde de penser que plus les convictions religieuses se cantonnent dans la sphère privée, mieux se porte l’espace public.

Plus inquiétante serait la perspective d’une érosion due plutôt aux valeurs de modération que porte ce parti et qui pèseraient de moins en moins lourd face aux recettes plus alléchantes et racoleuses des intégristes verts, des idéologues socialistes, des loups radicaux et des nationalistes agrariens.

A cet égard, le nouveau nom qui tient la corde pour l’instant chez les sympathisants démo-chrétiens – «Le Centre» – pourrait tourner au mémorable autogoal. Personne en tout cas n’a jamais osé prophétisé que le 21e siècle «sera centriste ou ne sera pas».

Toujours est-il que, changer de nom, ce parti sait faire, puisqu’il s’est appelé successivement depuis 1848, «Parti catholique conservateur», «Parti populaire catholique», «Parti conservateur populaire», «Parti conservateur-chrétien social» et enfin depuis 1970 seulement «Parti démocrate-chrétien».

Comme si la recherche perpétuelle d’identité faisait partie de son identité même. Comme si cette formation n’était qu’une suite de renoncements. Encore un effort donc pour arriver à ce qu’avait imaginé Jaroslav Hasek, le créateur du brave soldat Švejk: «Le Parti pour un Progrès modéré dans les Limites de la Loi».