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Clochemerle pour un été

Crise mondiale et deuxième vague à l’horizon. Pendant ce temps, les tracas parallèles s’accumulent: la SSR perd le droit de diffusion de la Ligue des Champions et Blocher tend sa sébile.

Normalement l’été, pour la classe politique, rime largement avec farniente. Cette fois pourtant, crise mondiale oblige et deuxième vague à l’horizon, la mauvaise transpiration guette le parlementaire fédéral.

Comme si cela ne suffisait pas, les embrouilles anecdotiques semblent fleurir avec une vigueur inhabituelle. A côté de «Mais qui donc va payer pour les masques obligatoires?» se greffe la question autrement déchirante de savoir si la SSR a eu raison de ne pas surenchérir pour conserver les droits de diffusion de la Ligue des Champions.

Payer la redevance pour se taper de l’aviron ou du curling voilà qui pourrait relancer la verve des ultra-libéraux contre ce qu’ils estiment n’être rien d‘autre qu’un racket d’état. L’argument du chef des sports de la RTS Massimo Lorenzi – «on ne pouvait gaspiller l’argent du public et renoncer à tout le reste» – se retourne facilement: quel pourcentage parmi ceux qui paient la redevance, c’est-à-dire grosso modo tout le monde, se passionne pour tous les sports sauf le football?

Mais le pompon du tracas estival, on le doit sans doute à l’inusable pépé Blocher, dont les capacités de nuisance paraissent se fortifier avec l’âge. Monsieur veut sa rente d’ancien conseiller fédéral. D’autant plus qu’il y a bêtement droit. Mais voilà avec Blocher rien n’est simple, surtout que l’homme cumule deux tares qui le rendrait inéligible à tout obole publique: il est bien riche et il pense mal.

Voilà tout le monde bien embêté comme le résume, avec son art habituel de la synthèse coupante, le très expérimenté parlementaire Brélaz: «Soit on refuse, et il passe pour un martyr; soit on accepte, et on passe pour des lâches». Il est tout de même assez baroque d’envisager que dans certains cas, mais peut-être cela ne concerne-t-il que Blocher, le versement d’une rente dépend non pas du droit effectif à cette même rente, mais de l’image que souhaitent donner d’eux-mêmes ceux qui tiennent les cordons de la bourse, à savoir en l’occurrence les parlementaires fédéraux, du moins ceux qui sont membres de la Délégation des finances.

La loi paraît en effet claire: les conseillers fédéraux quittant leurs fonctions après au moins 4 ans, ce qui est le cas de Blocher, ont droit à une rente complète, c’est-à-dire la moitié de leur salaire, aux alentours donc de 200 000 francs par année.

Ceux à qui la seule idée de verser de l’argent à Blocher donne de sérieux et très éruptifs boutons, se raccrochent à l’espoir d’un vide juridique: la loi ne dit rien sur la rétroactivité. Or pendant 13 ans Blocher n’a rien réclamé. Le conseiller national Carlo Sommaruga s’engouffre aussitôt dans la brèche avec une comparaison bien émouvante: «Prenez l’exemple d’une femme divorcée qui ne percevrait pas la rente de son époux. Le Code des obligations dit qu’il y a prescription après cinq ans. Je trouverais donc scandaleux et injuste que Christoph Blocher, multimilliardaire, qui pendant treize ans n’a jamais demandé le paiement de quoi que ce soit, puisse y avoir droit dans sa totalité. C’est un grossier mépris à l’égard du peuple.» Et surtout des femmes divorcées et multimilliardaires qui, elles, n’oublient jamais de réclamer leur rente.

Bref du Clochemerle grandeur nature. Or comme dans tous les feuilletons clochemerlesque, que l’été on ne sait trop pourquoi semble favoriser, le seul résultat obtenu en général est que les deux parties se couvrent de ridicule. Blocher en manifestant une sénilité de grippe-sou revanchard, qui déclare ne pas vouloir faire de cadeau à l’Etat, lorsqu’il voit comment le «Parlement rouge-vert» dépense l’argent. Et les autres en prétendant distribuer les prestations sociales à la tête du client.