GLOCAL

Confinés jusqu’au bout

Le choc de deux urgences – sanitaire et économique – fait voler en éclat le consensus politique.

Le confinement demeure. Pour le consensus et l’union sacrée, c’est autre chose. Certes on n’en est pas encore au tweet de Donald Trump qui avait suscité le 23 mars dernier un semblant d’indignation mondiale en déclarant «nous ne pouvons pas laisser le remède être pire que le problème lui-même». N’empêche, du côté des milieux économiques et de certains partis politiques, comme les radicaux ou l’UDC, cela commence à râler sec contre le couvre-feu sanitaire.

C’est d’abord la présidente du PLR, Petra Gössi, qui réclame la réouverture de «tous les commerces pouvant respecter les mesures de sécurité de l’Office fédéral de la santé publique». Réplique immédiate du ministre de la santé Alain Berset, qualifiant cette perspective «d’illusoire pour l’instant». Dans la foulée, le Conseil fédéral prolonge d’ailleurs d’une semaine le confinement prévu d’abord jusqu’au 19 avril. Non sans vaguement évoquer, pour faire passer l’amère pilule, des mesures d’assouplissement qui interviendraient avant la fin du mois, mais en se gardant bien de déjà dire lesquelles.

L’UDC en appelle fissa à la résurrection de la Suisse laborieuse, par la voix de la tonitruante Magdalena Martullo-Blocher, conseillère nationale, entrepreneuse et membre du comité élargi d’economiesuisse: «La population non menacée doit être autorisée à reprendre le travail.»

À gauche, au contraire, on défend mordicus le confinement, un peu comme la corde soutient le pendu, et comme la moins pire des mauvaises solutions. À l’instar du conseiller national Roger Nordmann: «Il faut attendre d’en savoir plus sur l’évolution du virus. Ce serait remplacer l’incertitude par l’erreur que d’abandonner les mesures actuelles.»

Bref on n’est toujours pas sorti du dilemme que la conseillère d’Etat vaudoise Nuria Gorrite avait depuis longtemps froidement résumé: «Ou on envoie mourir les gens ou on les envoie au chômage.» Même si elle, bien sûr, a clairement choisi son camp: «C’est une crise sanitaire et sa sortie doit s’appuyer sur des critères sanitaires, nous ne sommes pas dans la situation d’envisager le scénario d’un déconfinement.»

Sur cette délicate question de l’équilibre à trouver entre les deux urgences, sanitaire et économique, il aurait été intéressant d’avoir l’avis du parlement fédéral. Dommage, il est le seul d’Europe à avoir décidé de suspendre ses activités, au moins jusqu’en mai. Confiné jusqu’au bout.

Il est probable que la Suisse au final fasse comme tout le monde. À savoir adopter un déconfinement progressif, au gré de l’évolution de l’épidémie, quitte à resserrer le desserrement quand la pandémie repart, avec une courbe qui descendra non pas linéairement mais par pics et creux successifs.

Pour le reste chacun voit midi à sa porte et tire la crise à lui. Les mouvances de gauche certes n’ont pas tort de pointer la responsabilité de la mondialisation néolibérale dans la diffusion planétaire de l’épidémie et le manque absurde du matériel de base, comme les masques, pour cause de délocalisation. Comme les libéraux pur sucre ont raison de souligner que si la Confédération peut voler massivement au secours de l’économie, c’est grâce à de longues années d’austérité budgétaire, et donc d’excédents, contre lesquels les cigales de gauche n’ont cessé de striduler, avant que la bise ne fût venue.