L’équipe du professeur Gisin vient de mettre en production un générateur aléatoire qui se base sur un phénomène de physique quantique. Les applications sont multiples, notamment en matière de cryptage informatique.
Le hasard n’existe pas en informatique. Pour générer des nombres aléatoires, qui s’utilisent dans de nombreuses applications — des jeux à la cryptographie bancaire –, les ordinateurs se basent sur des algorithmes complexes, qui tentent de «simuler» un tirage au hasard.
Le problème, c’est que ces algorithmes, si l’on effectue une suite très importante de tirages, finissent par répéter les mêmes séries de nombres. Si elle reste peu importante pour un jeu, la mauvaise qualité d’un algorithme aléatoire peut poser un grave problème à un logiciel de cryptage, par exemple.
A Genève, ce sont des physiciens qui se sont intéressés à ce problème. L’équipe du professeur Nicolas Gisin (dont les travaux de cryptage ont été évoqués par Largeur.com) vient de présenter à la foire Cebit de Hanovre un générateur d’un nouveau genre: il exploite un processus d’optique quantique (la réflexion d’une particule de lumière sur un miroir semi-transparent) pour engendrer des nombres aléatoires binaires.
«La physique quantique — qui décrit la nature à l’échelle atomique — est la seule théorie physique qui prédise que le résultat de certains phénomènes est aléatoire. Elle constitue donc un choix naturel pour générer des nombres authentiquement aléatoires», explique Nicolas Gisin.
Le générateur informatique ainsi réalisé peut s’utiliser sur internet à l’adresse www.randomnumbers.info, un site qui vient d’ouvrir. «En trois jours nous avons eu 11’000 visites, se réjouit Grégoire Ribordy, directeur d’ID Quantique, spin-off de l’Université qui commercialise le générateur. Nous voulons que ce site devienne une référence sur le sujet.»
Pour mieux comprendre cette prouesse scientifique que constitue la réalisation de ce générateur aléatoire, Largeur.com a interrogé le professeur Nicolas Gisin.
Quels usages fait-on des nombres aléatoires?
«Les usages les plus importants des nombres aléatoires sont en cryptographie et en simulation numérique. Par exemple, chaque fois que nous utilisons notre carte de crédit, l’appareil établit une connexion cryptée avec la banque. Pour chacune des connexions il faut que l’appareil et la banque partent d’un nombre aléatoire. Sinon il serait facile de contrefaire l’appareil et/ou la banque. Quant à la simulation numérique, l’usage est nettement plus complexe mais de grande importance pratique.»
Comment fonctionne les autres algorithmes?
En général, les générateurs utilisés jusque ici se basent sur ce qu’on appelle le «bruit thermique» (autrement dit l’agitation thermique à l’intérieur des composants électroniques, ndlr). Le premier défaut de ce genre de générateurs est sa lenteur. D’autre part, on ne maîtrise pas l’origine du phénomène aléatoire: il semble simplement suffisamment complexe pour donner une «impression d’aléatoire». Cela n’est pas satisfaisant pour des applications de haute sécurité.
En quoi votre générateur est-il donc révolutionnaire?
C’est le premier qui produit des nombres aléatoires garantis d’origine quantique, c’est-à-dire dont l’origine est parfaitement bien connue et maîtrisée. De plus, il est beaucoup plus rapide qu’un générateur basé sur le bruit thermique.