LATITUDES

La chouette effraie, porte-bonheur de la génétique

Le génome de cet oiseau de mauvais augure au plumage variable révèle des liens entre pigmentation et comportement utiles à la recherche médicale.

Pendant des siècles, la «Dame blanche» avec son faciès de fantôme était clouée sur les portes de grange afin d’éloigner le mauvais œil des habitations. Aujourd’hui, les superstitions ont cédé la place à l’intérêt des généticiens.

«La chouette est présente sur tous les continents sans variation de code génétique d’une région à l’autre», explique Alexandre Roulin, biologiste de l’évolution. Depuis 30 ans, ce professeur au Département d’écologie et évolution de l’Université de Lausanne étudie les variations de pigmentations des chouettes au sein d’une même famille. «Dans une fratrie, on rencontre des individus roux et blanc, et d’autres mouchetés de taches noires. Cette simple variation de couleur a un effet sur les aptitudes à la chasse, mais également sur le comportement.»

Lors de sa chasse nocturne, la chouette blanche va davantage utiliser sa couleur nacrée pour provoquer un effet de sidération chez le rongeur. «Il sera tétanisé. Cet état dure plus longtemps avec une chouette blanche qu’avec une rousse.» En revanche, les plumes rousses protègent mieux le rapace contre les aléas de la météo.

Plus étonnant encore, les variations du taux de mélanine (un pigment noir) sont aussi associées à certains comportements comme l’agressivité, l’appétit ou la résistance au stress. «Ces nuances seraient causées par une hormone qui stimule la synthèse de la mélanine. Plus son niveau est élevé chez une chouette foncée, plus elle sera agressive, résistante aux parasites et au stress. Nous avons donc analysé les gènes impliqués dans ces phénomènes, car nous les retrouvons chez l’être humain.»

La découverte ornithologique se mue en recherche biomédicale. «La mélanine joue un rôle dans plusieurs maladies, détaille Alexandre Roulin. L’objectif des recherches est de cibler les gènes impliqués afin de les moduler et d’influer sur certaines maladies métaboliques, comme l’obésité.»

_______

Une version de cet article réalisé par LargeNetwork est parue dans In Vivo magazine (no 18).

Pour vous abonner à In Vivo au prix de seulement CHF 20.- (dès 20 euros) pour 6 numéros, rendez-vous sur invivomagazine.com.