LATITUDES

La maladie Nash gagne la Suisse

Deuxième cause de cirrhose aux États-Unis , après l’alcool et avant l’hépatite C chronique, cette pathologie devient également  un problème de santé publique sur notre territoire . Au point qu’une fondation qui lui est consacrée vient de voir le jour à Berne.

Mais qu’est-ce qui se cache derrière l’acronyme NASH? Issu de l’anglais «nonalcoholic steatohepatitis» pour «stéatohépatite non alcoolique», ce terme regroupe les cas où le foie est chroniquement enflammé et en souffrance. Face à ces agressions répétées, les cellules de l’organe tentent de se réparer, entraînant la formation d’un tissu cicatriciel appelé fibrose. Quand cette dernière se trouve à un stade avancé, les conséquences peuvent se révéler graves. «Plus la NASH est avancée, plus les risques de cirrhose ou de cancer du foie sont élevés, précise le Prof. Darius Moradpour, chef du Service de gastro-entérologie et d’hépatologie du CHUV. La première cause de mortalité chez les patients atteints de ce syndrome est cardiovasculaire.» Véritable fléau aux États-Unis, la maladie pourrait même y devenir la première cause de cirrhose, avant l’alcool.

Environ un quart des habitants de l’Union européenne souffrirait d’une accumulation de graisse dans leur foie, selon l’European Association for the Study of the Liver (EASL). En cause: l’obésité, le syndrome métabolique qui se manifeste par une combinaison de symptômes comme l’embonpoint abdominal, l’hypertension, le mauvais cholestérol, une glycémie élevée, etc. Les aliments transformés par une industrie en quête d’additifs bon marché et les boissons aux taux élevés de sucres ajoutés constituent les autres grands responsables de cette affection.

Il convient néanmoins de rappeler qu’un foie gras ou «stéatosique», qu’on nomme ainsi dès que la masse de graisse dépasse les 5% dans le foie, n’évolue pas forcément vers une NASH. «Cela survient dans 5 à 20% des cas et ne concerne donc que 1 à 6% de la population en Europe», estime le Prof. Darius Moradpour. Bien que la prévalence en Suisse ne soit pas connue pour l’instant, elle devrait être similaire aux estimations européennes. Pour alerter le corps médical et le grand public sur cette affection, le Prof. Jean-François Dufour, de l’Université de Berne, vient donc de créer, avec d’autres partenaires, la première fondation helvétique sur le sujet, baptisée «Swiss NASH Foundation».

«Sans cette appendicite, je ne serais certainement  plus là aujourd’hui.»

La NASH est d’autant plus grave que ses symptômes sont quasiment indolores. Pierre-Alain Besson n’a repéré aucun signe avant-coureur. «J’ai été admis à l’hôpital pour une simple appendicite en janvier 2017, explique ce retraité vaudois de 64 ans. On m’a alors détecté une stéatohépatite non alcoolique et une tumeur au foie de 4 centimètres déjà. Je n’avais ressenti ni douleur ni fatigue. Sans cette appendicite, je ne serais certainement plus là aujourd’hui.» La tumeur a pu être ôtée un mois plus tard au CHUV. «Heureusement, je ne présentais aucune métastase ailleurs dans le corps.» En juillet de la même année, des nodules cancéreux ont été détectés puis éliminés par radiofréquence. «Mon foie pouvait encore fonctionner, mais compte tenu du risque de récidive très élevé et du fait que le cancer ne s’était pas propagé, nous avons décidé avec l’équipe médicale de m’inscrire sur la liste des futurs transplantés en novembre 2017. Onze mois plus tard, je recevais un nouveau foie.»

Si le Vaudois parle ouvertement de sa maladie, c’est afin que le grand public sache que des problèmes au foie ne sont pas forcément liés à une hépatite ou à l’alcool. Il fait partie de la minorité des patients atteints d’une NASH qui ne sont pas en surpoids. «Je ne fume pas, je bois très raisonnablement, je marche très régulièrement», fait-il remarquer. Il avait néanmoins un diabète de type 2 et du cholestérol. «Les médecins traitants sont apparemment encore peu habitués à faire des examens du foie, surtout chez les personnes non obèses.»

Dépistage non systématique

«C’est une maladie que l’on peut prévenir, note Mohammed Barigou, chef de clinique au Service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme du CHUV. De la stéatose simple aux stades initiaux de la fibrose, nous sommes dans des processus réversibles. Mais, pour cela, le dépistage des cas à risque doit se généraliser.» Il s’agit notamment de surveiller les personnes atteintes de diabète de type 2 avec un syndrome métabolique. «Les sociétés savantes recommandent un dépistage systématique des patients à risque en leur proposant des tests hépatiques. Des taux enzymatiques élevés doivent suggérer au médecin traitant la nécessité d’explorations complémentaires telles qu’une échographie du foie. L’élastographie impulsionnelle (FibroScan) en sus est un bon outil de détection de la fibrose hépatique.» Cette dernière méthode, non invasive, évalue la propagation d’une onde de choc dans le foie et mesure son élasticité. Plus l’onde se propage rapidement, plus le tissu hépatique est rigide et la fibrose importante.

Le diagnostic précis se fait à l’aide d’une biopsie du foie. «Cependant, avec une consultation, une prise de sang et un ultrason, nous parvenons déjà à aller loin dans le diagnostic, avance le Prof. Moradpour. La probabilité d’une NASH est haute si nous pouvons exclure les autres causes d’atteinte hépatique chronique comme les hépatites virales, des maladies auto-immunes ou héréditaires, la prise de certains médicaments, mais surtout une consommation excessive d’alcool.» Sur ce dernier point, le taux d’alcool ne peut plus être toléré par le foie s’il dépasse 30 grammes par jour pour les hommes et 20 grammes chez les femmes, selon la définition européenne.

Pas de solution magique

Lorsqu’une stéatohépatite non alcoolique est dépistée, les médecins analysent son évolution sur trois à douze mois, en prescrivant au patient des changements alimentaires et d’hygiène de vie. «Adapter le mode de vie peut aboutir à de vrais résultats, explique Darius Moradpour. Promouvoir une vie saine reste une priorité.»

Concrètement, Mohammed Barigou guidera, en premier lieu, ses patients vers des mesures nutritionnelles (voir l’encadré ci-contre). En parallèle, ils devront avoir une activité physique régulière. «Il sera par exemple recommandé de faire, trois fois par semaine, une activité physique en aérobie (communément appelée cardio), de minimum 30 minutes».

Plus de 250 essais  cliniques

Quand les mesures hygiéno-diététiques ne permettent pas de freiner l’évolution de la maladie ou que celle-ci se trouve à un stade trop avancé, une solution médicamenteuse peut être envisagée. «Nous pouvons suggérer dans ces situations des traitements médicamenteux, notamment les analogues du GLP1, précise Mohammed Barigou. Cette neuro-hormone sécrétée physiologiquement par le tube digestif présente des effets positifs sur le plan métabolique et réduit significativement le tissu adipeux viscéral. Plusieurs autres nouveaux traitements hormonaux semblent avoir des effets positifs.» En 2018, plus de 250 essais cliniques étaient en cours sur la NASH dans le monde, dont 74 lancés cette même année.

En Suisse, le Service d’hépatologie de l’Université de Berne et de l’Hôpital de l’Île (Swissliver) mène des études cliniques de phases II et III dans le domaine. «Des recherches sont actuellement conduites dans le monde entier afin d’identifier des médicaments pour traiter les patients souffrant de la NASH, indique son directeur, Jean-François Dufour. Même s’il ne s’agit encore que d’analyses intermédiaires, plusieurs molécules ont déjà montré des résultats positifs en phases II et III. Ces médicaments agissent, d’une part, sur le métabolisme en diminuant l’accumulation de graisse dans le foie, et, d’autre part, sur le tissu cicatriciel afin de diminuer le degré de fibrose du foie.»

Trouver d’autres marqueurs de la «maladie du foie gras» constitue le second champ de recherche actuel. «L’Université de Berne participe au projet européen LITMUS qui réunit une quarantaine de laboratoires publics et privés», cite Jean-François Dufour. Le but de ce consortium est de mettre au point des tests sanguins ainsi que des techniques d’imagerie qui permettent de diagnostiquer facilement une maladie de NASH, connaître sa gravité et suivre son évolution sans avoir à pratiquer de biopsies du foie. «Nous pouvons déjà mesurer l’élasticité du foie qui reflète le degré de fibrose, mais il nous reste encore à identifier le degré de souffrance et d’inflammation du foie.» Pour y arriver, près de 52 millions de francs ont été mis sur la table.

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Une version de cet article réalisé par LargeNetwork est parue dans In Vivo magazine (no 18).

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