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Fachos et bigots, le retour

Les attaques contre la loi sur la laïcité à Genève font resurgir de méchantes lunes. Les drapeaux sont différents, mais le fanatisme est toujours là.

On n’osera pas parler d’alliance de la carpe et du lapin. Pour n’insulter ni le vénérable poisson, ni le sympathique lagomorphe. Mais surtout parce que la collusion à laquelle on assiste à Genève entre l’extrême gauche et les Verts d’un côté et des associations musulmanes de l’autre, dans les recours en série contre la loi sur la laïcité, n’a rien de vraiment incongru.

Subodorons d’abord que l’enjeu factuel – l’interdiction de signes religieux ostensibles pour les fonctionnaires et les élus – n’est pas le véritable moteur de cette recourite aussi agressive qu’incontinente. Il n’est pas absurde de penser que la volonté de torpiller une loi largement plébiscitée par le peuple (soit 55% des votants) doit être sécrétée par des motifs autrement profonds. Le fanatisme et l’idéologie, au hasard.

Enclencher un processus judiciaire contre cette loi, c’est en tout cas dévoiler au grand jour qu’au fond de soi, la démocratie et la laïcité on n’aime pas trop ça. Deux conquêtes supposées pourtant d’une modernité et d’un progressisme issus des Lumières, sur lesquelles, pensaient les naïfs, seuls d’obscurs esprits bigots ou fachos seraient tenter de revenir un jour.

Mépriser la notion de peuple souverain, comme celle de stricte séparation du religieux et du politique, cela peut paraître compréhensible de la part d’associations religieuses qui vont psalmodiant qu’il n’y a de Dieu que Dieu, et qui placent les respectables fantasmagories de la foi au-dessus des modestes vérités de la raison.

Ce même mépris n’est en réalité pas plus surprenant de la part de mouvements politiques naviguant à la gauche de la gauche. L’histoire a suffisamment démontré que là où ils prenaient le pouvoir, la démocratie trépassait dans les heures qui suivaient.

On objectera qu’historiquement l’extrême gauche a toujours été anticléricale et plutôt férocement laïque. A cette nuance que c’était pour remplacer une foi par une autre – «le matérialisme et le spiritualisme, deux impertinences à jeter dans les mêmes latrines» entrevoyait déjà Flaubert – et que défaite un peu partout, elle croit maintenant retrouver dans le nouveau citoyen musulman l’ancien damné de la terre. Même si elle peine encore à lui faire siffler correctement l’Internationale.

À Genève les Verts sont aussi montés dans cette sinistre galère. Cela peut paraître moins compréhensible. Sauf à vouloir donner raison à la malhonnête caricature de «l’ayatollah vert» dont leurs adversaires à bout d’arguments aiment affubler les défenseurs de positions écologistes souvent justifiées.

Le principal argument des mauvais perdants dans cette affaire est que la loi sur la laïcité équivaudrait à un attentat contre les libertés religieuses et serait contraire au droit. Il est toujours surprenant bien que de plus en plus habituel, d’entendre les ennemis historiques de la liberté et les piétineurs récidivistes du droit invoquer ces deux notions à tout bout de champ.

Bref, au-delà des carpes et des lapins, on peine de plus en plus à ne pas reconnaître dans les ennemis contemporains de la laïcité, les traits grimaçants des bigots et fachos d’autrefois.