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Danse avec l’Europe

L’accord-cadre avec l’UE, en négociations depuis 2014, est soumis à une large consultation par le Conseil fédéral. Mais le projet fait surtout apparaître que la Suisse est en train d’épuiser sa logique de la voie solitaire.

La patate n’est plus chaude: elle vire à l’incandescent. On veut parler de l’accord-cadre en négociations avec l’Union européenne depuis 2014. Une UE qui s’impatiente, qui va répétant qu’il n’y a plus rien à négocier, que «l’accord est bon» et que la balle est «dans le camp de Berne».

Sauf que la Suisse étant la Suisse, c’est à dire un pays férocement décentralisé, «le camp de Berne» n’existe pas de fait. Ou en tout cas ne peut rien décider tout seul. C’est ainsi que le Conseil fédéral a lancé début décembre une «vaste-consultation avec les milieux concernés» sur ce projet d’accord-cadre.

Et pas une consultation pour faire semblant. «Ce n’est pas un exercice de style, il s’agit de vérifier le soutien politique au texte», a précisé Alain Berset. Malheureusement ces pratiques ne sont ni du goût ni dans la tradition centralisatrice qui règne à Bruxelles. Le commissaire européen Johannes Hahn, en charge de la politique de voisinage et des négociations d’élargissement, l’a martelé de façon particulièrement crue: «Ce n’est pas un accord à la carte».

Autrement dit: «Consultez tant que vous voulez, ce sera ça ou rien». Pour bien montrer que la plaisanterie avait assez duré, l’Union s’est même permise un chantage taille XXL: conditionner l’acceptation de l’accord au renouvellement de l’équivalence de la Bourse suisse, qui échoit à la fin de ce mois. Une équivalence vitale, sans laquelle la quatrième place financière mondiale se retrouverait à genoux, et toute l’économie suisse avec.

Certes, Bruxelles a prolongé de six mois cette équivalence, mais avec le sous-entendu limpide, que c’était là le temps accordé à la Confédération pour ces fameuses consultations. Pour dire, in fine, amen à l’accord.

Voilà donc le Conseil fédéral dans une situation quasi intenable. Un embarras symbolisé par les déclarations à hue et à dia du ministre des affaires étrangères, Ignazio Cassis. Début décembre le Tessinois faisait la fine bouche. «Le Conseil fédéral, certifiait-il, ne peut pas parapher l’accord pour l’instant car le but fixé n’a pas été entièrement atteint.» Quelques lignes rouges qu’avait fixées la Suisse paraissent en effet avoir été franchies.

Dix jours plus tard, dans un entretien à la NZZ, le même Cassis racontait pourquoi il n’y aurait probablement pas d’autres fenêtres de tir. En brandissant le spectre du Brexit et des populismes en marche, ce qui est toujours bien pratique, suffisamment spectaculaire mais pas toujours très honnête. En gros face au départ des Anglais et à la montée un peu partout de l’euroscepticisme, l’Union serait à cran et encline à gonfler les biscoteaux pour décourager les dissidents. Ä montrer ce qu’il en coûte de vouloir quitter le bercail étoilé, ou de ne pas en être membre.

Bref il serait naïf d’imaginer que «l’UE soit plus favorable aux revendications suisses dans deux ans». Cassis en est sûr: «Nous courons le risque de devoir conclure un accord plus mauvais avec l’UE à une date ultérieure.» Après tout, semble se résigner le ministre, 80% du projet de traité reflète ce que souhaite la Suisse.

Si l’on comprend bien, on ne peut pas signer maintenant. Mais signer plus tard serait encore pire. Sans compter que les soutiens du parlement et du peuple sont tout sauf acquis. Alors? Les mauvais esprits remarqueront que deux décennies de bilatérales, et ce fameux accord-cadre qui se profile, nous ont amenés à la situation décrite par les derniers rares tenants d’une adhésion pure et simple: que la Suisse, à force de traités, se retrouve quasi membre de l’Union européenne, ou du moins presque autant liée par les obligations qui incombent à un membre, mais sans avoir les avantages ni le pouvoir de décision réservés aux vrais membres. Dans un monde idéal, c’est-à-dire rationnel, la suite coulerait de source.