TECHNOPHILE

Prendre le train et payer demain

De nouveaux services facilitent l’utilisation et le paiement des transports publics en Suisse. Analyse d’un marché en plein boom.

Plusieurs applications mobiles récentes réinventent l’usage des transports publics en Suisse. Grâce à elles, un voyageur ne doit plus acheter son billet à l’avance. Il peut utiliser chaque moyen de transport public et reçoit la facture à la fin de son trajet effectif, et cela au meilleur tarif.

«Notre but est de faciliter le plus possible l’accès aux transports publics», relève Gian-Mattia Schucan, fondateur et CEO de Fairtiq. Basée à Berne, sa société emploie aujourd’hui 25 personnes (dont une moitié de programmeurs) et compte 110’000 clients en Suisse. Lancée en avril 2016, l’application couvre tout le périmètre de l’abonnement général des CFF et peut être utilisée dans tous les moyens de transports publics du pays.

Payer le juste prix

Le principe est simple. Avant de monter dans un train ou un bus, l’usager fait un check-in sur son smartphone, puis un check-out à la fin de son parcours. L’application, capable de différencier un trajet à pied d’un autre effectué en transport public, calcule le prix optimal en combinant tous les trajets effectués le même jour. L’ensemble des consommations journalières est facturé le jour suivant à 4 heures du matin. Les paiements peuvent se faire par carte de crédit, Postcard ou via une facture Swisscom. Pour l’usager, le service n’implique aucun coût supplémentaire. La société, distinguée cette année par le Swiss Economic Award, est rémunérée via une combinaison de coûts fixes par région et de coûts par transaction directement par les entreprises de transports, soit une vingtaine en Suisse (dont les CFF, les Transports publics lausannois ou les Transports publics fribourgeois).

De son côté, la société de transport bernoise BLS, qui comptabilise 65 millions de passagers par année, a lancé en janvier de cette année sur l’ensemble du territoire suisse une application similaire baptisée Lezzgo. Entre le mois de mars et le mois de mai, le nombre d’utilisateurs est passé de 13’500 à 18’000. «L’avantage est avant tout la simplicité d’usage», souligne le porte-parole Stefan Dauner. A noter que le voyage effectué est enregistré à l’aide des coordonnées GPS du smartphone, il n’est donc pas nécessaire d’équiper les véhicules d’installations supplémentaires.

Pour chaque billet vendu, BLS reçoit une commission. Celle-ci reste très basse, selon Stefan Dauner: «La commission n’est pas notre but premier. Nous essayons plutôt de diminuer les obstacles à l’utilisation des transports publics afin de motiver davantage de gens à voyager en train, en bus ou en tram.» L’entreprise ferroviaire saint-galloise Südostbahn s’est également lancée dans cette voie. Elle propose, depuis 2017, le même type de services par le biais de son application Abilio, qui comptabilise aujourd’hui 10’000 clients inscrits.

CFF sur le coup

Professeur de sociologie urbaine et d’analyse de la mobilité à l’EPFL, Vincent Kaufmann constate une nette évolution dans la manière de se déplacer depuis une quinzaine d’années en Suisse. Alors que l’on identifiait auparavant clairement différents types d’usagers (automobilistes, cyclistes, utilisateurs de transports publics), ces différents segments tendent aujourd’hui, selon lui, à se mélanger. Dès lors, l’enjeu consiste à articuler au mieux ces différentes offres, d’où l’effervescence observée du côté des opérateurs. Et sur ce marché en plein essor, les CFF, en raison de leur couverture étendue du territoire, disposent d’une bonne longueur d’avance. Ces derniers confirment suivre de près l’évolution mobile, en développant notamment leur application CFF Mobile et les possibilités du SwissPass, ainsi qu’en travaillant sur des solutions telles que celles présentées pat Fairtiq et Lezzgo.

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Une version de cet article est parue dans PME Magazine (octobre 2018).