De plus en plus de commerces, mais aussi de prestataires de services, proposent de conditionner la facture au résultat et à la satisfaction du client. Une pratique qui permet d’instaurer un climat de confiance et d’éviter les critiques rageuses sur le web.
«Vous ne payez que si vous êtes satisfait.» Cet antique argument commercial amorce un retour flagrant auprès d’entreprises qui l’appliquent désormais à la lettre. Certaines agences de relations publiques, par exemple, ne facturent qu’une partie de leur honoraires si leurs efforts ne permettent pas au client d’atteindre un objectif précis. D’autres sociétés proposent de na pas facturer une partie de leurs prestations, si ces dernières ne correspondent pas aux attentes de la clientèle.
Basée à Lausanne et Genève, l’agence de communication Horde ne facture pas ses prestations de «naming» (recherche de noms pour une société ou un produit) si le résultat ne convient pas au client. «Beaucoup d’agences prennent encore des commissions, explique le cofondateur Mathieu Tornare. Nous avons décidé d’agir en toute transparence. Les clients arrivent souvent avec une idée de base pour un nom. A la fin, s’ils préfèrent le leur ou si le nôtre ne leur convient pas, nous ne facturons pas ce service. Cela permet de les tranquilliser, d’instaurer une relation de confiance et de proximité.»
Pour ce spécialiste, il s’agit d’un argument de vente plutôt qu’une promotion agressive sur les prix. D’autant plus que la clientèle – parmi laquelle on retrouve des start-ups, mais aussi des firmes comme Nespresso, Domicim ou Pharmacieplus – fait appel à des packages globaux comprenant stratégie et création lorsqu’elle s’adresse à cette agence de 9 collaborateurs. «Nous souhaitons instaurer une logique de partenariat et non pas une simple relation de client à fournisseur, poursuit Mathieu Tornare. De cette manière, nos clients n’ont pas l’impression de se retrouver face à des gens qui activent des compteurs. Bien sûr, c’est un petit risque commercial pour nous. Mais il n’est pas encore arrivé qu’un client ne choisisse pas, au final, l’un des noms que nous lui avions proposé.»
Nathan Thomas a décidé de recourir aux services de cette agence dans le cadre du lancement cet été de sa marque de café froid Coldfee, un nom qu’il a choisi parmi une trentaine de propositions. «L’argument de la gratuité n’a pas été décisif, mais il est clair que cela m’a conforté dans mon choix. Cela donne confiance. Une telle offre permet de se démarquer. Cela démontre une certaine assurance, la capacité à être productif et créatif sans garantie de rémunération. Par ailleurs, les noms proposés sont réservés et prêts à l’emploi. On ne court pas le risque qu’ils existent déjà, prêtent à confusion ou aient une mauvaise connotation par exemple.»
Active dans les services informatiques aux entreprises, la société Network Corner, à Prangins, propose elle aussi de rembourser ses clients en cas d’éventuelle insatisfaction. Ces derniers peuvent notamment résilier leur contrat durant les premiers mois s’ils parviennent à démontrer un manquement au niveau de la prestation. «Ces offres sont là pour rassurer nos clients, elles peuvent aussi permettre de faire basculer la balance lorsqu’une entreprise souhaite changer de prestataire, souligne le directeur Patrick Pahud. Ces propositions permettent aussi de rendre la relation avec la clientèle moins impersonnelle. C’est important lorsque l’on compte parmi ses concurrents des géants comme Google»
De son côté, la société genevoise Infomaniak, spécialisée dans l’hébergement de sites web et la vente de noms de domaine, s’engage à rembourser sans demande d’explications un client qui s’estimerait insatisfait dans les trente jours. Dès cette année, elle ne facturera qu’en cas de satisfaction passé ce délai. «Notre priorité est la satisfaction du client, indique le directeur des opérations Marc Oehler. Le commentaire négatif d’une seule personne sur les réseaux sociaux peut avoir des répercussions importantes en termes de réputation. Nous essayons par conséquent d’être le plus proactif possible, par exemple en offrant la possibilité à notre clientèle de transmettre des commentaires lors de nos échanges email.» Les offres «satisfait ou remboursé» sont également fréquentes auprès des grands distributeurs comme Denner ou Coop. Chez Manor, il est possible en cas d’insatisfaction de retourner ou d’échanger la marchandise sur présentation d’un justificatif d’achat dans les 30 jours suivant la réception du produit. Les articles les plus concernés sont ceux commandés en ligne.
Essayer, adopter
Pour Vincent Antonioli, chargé de cours en vente et distribution au SAWI à Lausanne, les ventes de ce type ne sont pas nouvelles, mais elles prennent une importance grandissante à l’aire d’internet et des réseaux sociaux. Il est de plus en plus aisé pour un consommateur de donner son avis, notamment négatif, sur un produit ou un service via une multitude de canaux. Ces offres permettent donc aux vendeurs d’inverser la tendance, de minimiser des impacts négatifs, voire même de couper court à toute velléité de critique.
A cela s’ajoute la multiplication des points et des canaux de vente qui font que le consommateur peut aujourd’hui acheter tout, tout le temps et tout de suite. Les gens sont constamment la cible de promotions et recherchent de plus en plus la meilleure affaire possible sur le marché. C’est pourquoi, selon cet expert, conditionner l’achat à la satisfaction du client, peut convenir à tous les types de produits ou services.
«Certains vendeurs peuvent jouer avec l’aspect logistique, par exemple dans le cas d’un objet volumineux comme un téléviseur ou un rameur, en sachant qu’une fois à la maison le client hésitera de le renvoyer au fournisseur», indique Vincent Antonioli. Il est de plus en plus fréquent que des marques proposent des tests sur plusieurs jours sans garantie d’achat. Une entreprise comme Zalando, qui propose des objets faciles à renvoyer et à stocker (habits, chaussures), a d’ailleurs fait de cette possibilité l’un de ses arguments phare.
Pour le vendeur, les avantages sont nombreux. Ces offres leur permettent de ne pas avoir à proposer un produit ou un service supplémentaire pour le même prix (une méthode qui se développe elle aussi dans de nombreux commerces) ou à baisser leurs tarifs. «De plus, elles apportent un sentiment de confiance et de proximité avec le client, ce qui devient de plus en plus important dans un climat de concurrence accru», poursuit le spécialiste. En contrepartie, il convient évidemment de ne pas lancer ce type d’offre n’importe comment et d’être sûr de la qualité. L’exemple typique est celui du télé-achat où un animateur présente des ustensiles qui fonctionnent parfaitement à l’écran et plus du tout ou pas de la même manière une fois dans la cuisine de l’acheteur. Or, bien souvent, ce dernier se moque d’être satisfait ou remboursé et veut simplement que le produit acquis fonctionne de manière adéquate.
Secrétaire de la fondation City Management de Lausanne, Helena Druey insiste sur la nécessité de bien encadrer ce type de démarche. Par exemple si l’offre propose de rembourser un produit dans le cas où un client trouverait moins cher ailleurs, les deux articles doivent être strictement identiques. En outre, le produit ne doit pas avoir été utilisé avant d’être retourné, ce qui arrive malheureusement très souvent, notamment lors de ventes en ligne. «Je suis globalement favorable à tout service au client qui permette de se démarquer des achats sur internet et favorise la proximité et la discussion, dit-elle. Ceci dit, la satisfaction est quelque chose de très subjectif. Dans le cas d’une manucure ou d’une séance chez le coiffeur, le client doit exprimer une éventuelle insatisfaction immédiatement et pas quelques jours plus tard. Par conséquent ce type d’offres est plus facile à appliquer lors de la vente d’un produit que d’un service.»
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Une version de cet article est parue dans PME Magazine (juillet 2018).