CULTURE

Le premier internaute: Albert de Haller (1708-1777)

Cet encyclopédiste bernois du XVIIIe siècle a utilisé la communication massive pour faire avancer la connaissance. 17’000 lettres en une vie. Il a préfiguré l’homme-internet. Une expo lui est consacrée à Berne.

Le premier homme en réseau était-il bernois? A la fois médecin, botaniste, poète et magistrat, Albert de Haller avait tissé sa propre toile mondiale de communication en plein XVIIIe siècle. Il correspondait avec des centaines de grands esprits de son siècle. Il a envoyé près de 17’000 lettres.

Networker avant l’heure, cet esprit encyclopédique a occupé, grâce à son remarquable talent de communicateur une position exceptionnelle en tant que «fécondateur» intellectuel de presque toutes les sciences et de la littérature.

A l’époque des diligences, Albert de Haller (1708-1777) devançait le réseau mondial en envoyant, sans «mailing list», des milliers de lettres rédigées à la plume d’oie, en latin, allemand ou français.

Son réseau de 1200 correspondants (1150 hommes et 50 femmes), réparti de Dublin à Moscou et de Stockholm à Malaga, a permi aux cercles des savants de l’époque d’échanger des résultats et d’avancer dans leurs études. Son système fonctionnait par la mise en réseau, comme le Net 250 ans plus tard.

Sa bibliothèque comptait 20’000 livres, qu’il aurait tous lus. En revanche, pas trace d’un miroir dans son appartement. Pour ce qui est de son caractère, laissons le soin à Casanova, le libertin italien, de nous le buy cialis online: «Ce gros Suisse était un savant de premier ordre, mais il ne l’était ni par ostentation, ni lorsqu’il était en famille, ni quand il se trouvait en société des personnes qui pour s’amuser n’ont pas besoin de discours scientifiques. Il se mettait à portée de tout son monde, il était aimable, et il ne déplaisait à personne. Il n’avait aucun des défauts des gens qu’on appelle d’esprit, et des doctes.»

A Berne, au Musée de la Communication – qui consacre une expo à Haller -, le premier contact avec le personnage se fait par le biais de sa monumentale table de travail, véritable centre de gravitation de son réseau. L’œuvre en palissandre commandée à un ébéniste talentueux est composée d’une vingtaines de tiroirs de toutes tailles, d’un plateau rabattable, le tout surmonté d’une horloge intégrée.

A l’image d’un accro du Web, il ne se contentait pas d’y travailler. Il y prenait ses repas qui lui étaient livrés débités en bouchées prêtes à être englouties. Un véritable «workaholic», qui ne se contentait jamais de faire une seule chose à la fois. Pour mener à bien ses innombrables activités, Albert de Haller était devenu un «travailleur en simultané», lisant des traités pendant les consultations de ses patients ou rédigeant des lettres lors d’entretiens avec ses étudiants.

Parcourir l’expo qui lui est consacrée, c’est déambuler entre deux «réseaux», confrontation d’un réseau primitif avec les possibilités actuelles du Net. Sa toile du XXVIIIe siècle – des vitrines remplies de manuscrits jaunis, fleurs séchées ou instruments d’opération – et , en regard, notre réseau du XXIe siècle, une succession de cinq ordinateurs branchés sur des sites consacrés à ses principaux centres d’intérêt.

Botaniste, Albert de Haller se servait de la communication à distance pour échanger des graines et des plantes séchées – ses «pièces jointes» – venant de toute l’Europe. Il a ainsi contribué à révolutionner le monde de la botanique. On lui doit le premier traité complet de la flore de Suisse et les premières expériences sur la nouvelle plante fourragère qu’était le sainfoin.

L’ordinateur placé en face de la vitrine contenant son merveilleux herbier renvoie à un moteur de recherche fictif, le «Webotanizer», qui montre à quel point il est plus facile aujourd’hui de réunir des données sur la botanique.

Médecin, le plus célèbre des Bernois jouissait d’une réputation exceptionnelle. Des patients le consultaient par écrit des quatre coins de l’Europe. Des collègues lui demandaient, par courrier également, son avis sur des cas de maladies les plus diverses.

Le réseau 2001 est branché lui sur le centre d’appel médical, le Medgate, qui permet de voir comment s’y déroule une consultation à distance.

Grâce à la publication du recueil «Les Alpes», de Haller est devenu l’un des poètes les plus célèbres de son temps. Il y fustige le genre de vie artificielle des citadins pour chanter les louanges du pâtre qui vit sans besoins mais libre. Il donne de la sorte un sérieux coup de pouce à ce qui allait devenir le tourisme alpestre. Ses échanges épistolaires avec des critiques, des éditeurs et quantité d’admirateurs et admiratrices lui ont permis d’avoir des échos directs de son travail. Un feedback.

Si l’exposition paraît trop petite pour un si grand homme, libre à nous de «semer à tous vents» son sainfoin dans des espaces plus vastes ou de nous consoler en buvant sa célèbre tisane. Deux produits en vente dans la boutique du musée.

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Je vous recommande vivement le parcours «Sur les traces de Haller», un tour de ville en compagnie d’un guide et d’un acteur qui font revivre, in situ, notre cyberancêtre. Informations sur cialis generic mastercard.

«Conversations à distance. Les 17’000 lettres d’Albert de Haller, savant universel», au Musée de la Communication. Jusqu’au 24 février 2002.

A consulter aussi, le site consacré à Albert de Haller.