CULTURE

Russell Crowe dans le cerveau d’un génie schizophrène

La vie du mathématicien John Forbes Nash est l’une des plus fascinantes du XXe siècle. Après la publication d’une somme biographique, que nous avons lue, le film est en tournage à Hollywood. Et c’est le gladiateur qui s’y colle.

Russell Crowe ne risque pas d’oublier l’année 2001. A peine a-t-il empoché l’Oscar du meilleur acteur pour son rôle dans «Gladiator» qu’il découvre un nouveau jouet créé à son effigie: le dernier modèle d’Action Man lui a emprunté sa bouche.

On n’a pas fini d’entendre parler de lui. Russell Crowe tente en ce moment d’entrer dans le cerveau d’un génie. En l’occurrence celui de John Forbes Nash, jeune mathématicien américain de la trempe de von Neumann (voire d’Einstein) qui sombra durant trente ans dans la schizophrénie avant de refaire surface et d’obtenir le prix Nobel d’économie en 1994.

Sous la direction de Ron Howard, le comédien tient donc le rôle principal de «A Beautiful Mind» , titre d’une biographie fascinante rédigée par Sylvia Nasar et qui vient de paraître en français («Un cerveau d’exception», Calmann-Lévy).

Depuis une tentative d’enlèvement en janvier, Russell Crowe serait devenu légèrement paranoïaque. Pendant toute la durée du tournage, les lieux des prises de vue sont tenus secrets. Le FBI et la direction des studios veillent à ce qu’il n’y ait aucune fuite.

De quelle histoire le scénario s’inspire-t-il? Je me suis plongée dans les 500 pages que compte le livre de Sylvia Nasar que Crowe a sans doute lu et relu pour incarner au mieux ce personnage hors du commun. La journaliste du New York Times a interrogé des centaines de témoins, amis et collègues de John Nash et consulté des milliers de documents. Le résultat est captivant et lui a valu le National Book Critics Circle Award.

A vingt ans, en 1948, Nash fait une entrée fracassante sur la scène des mathématiques. Les jeux de stratégie, les rivalités économiques, la théorie des ordinateurs, la structure de l’univers, la géométrie des espaces imaginaires, le mystère des nombres premiers: tout sollicite sa curiosité. «Par leur profondeur et leur totale nouveauté, ses idées sont de celles qui ouvrent de nouvelles voies à la pensée scientifique», estiment ses collègues.

Dans presque tout ce qu’il entreprend, il fait un pied de nez aux idées reçues, aux modes, aux méthodes établies. C’est moins en étudiant les découvertes des autres mathématiciens qu’en les redécouvrant par lui-même qu’il acquiert ses connaissances en mathématiques. Il travaille pratiquement toujours seul, en déambulant et sifflant du Bach.

Inventeur d’une théorie du comportement rationnel il est conduit, paradoxalement à vivre durant des décennies avec un comportement des plus irrationnels. A trente ans, il est sur le point d’être nommé professeur au prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT) lorsqu’il donne les premiers signes d’un glissement de l’excentricité à la folie.

C’est ainsi qu’entrant un matin dans la salle des maîtres, le New York Times à la main, il remarque, sans s’adresser à quelqu’un en particulier, «que l’article en haut à gauche de la première page contient un message secret, venu des habitants d’une autre galaxie, et que lui seul peut déchiffrer.» Son entourage assiste dès lors à une sorte de crépuscule du génie.

Hospitalisé contre son gré, il quitte alors les maths pour la numérologie et la communication avec les extraterrestres. Le diagnostic tombe: schizophrénie.*

Entre deux périodes d’internement, il fuit en Europe pour y demander le statut de réfugié, revient en Amérique et, pieds nus, cheveux longs, se met à errer régulièrement dans les couloirs de l’Université de Princeton. Il y couvre les tableaux noirs de messages hermétiques. Toujours bienveillants à son égard, ses anciens collègues le surnomment le «fantôme de Fine Hall», allusion au centre de mathématiques de Princeton .

Et puis, en 1990, alors qu’il assiste à une conférence, Nash interrompt le conférencier pour lui signaler une faille dans son raisonnement et proposer la solution du problème. C’est la stupéfaction générale. Le cerveau du grand Nash n’est plus hors jeu, le voilà qui se réveille.

En 1994, il se voit attribuer le Prix Nobel d’économie pour sa théorie des jeux dont les équations instruisent sur les choix des différents acteurs du marché en situation de coopération ou de non-coopération.

Dans son discours de remerciement, toujours imprévisible, Nash avoue que cette distinction va lui permettre de rétablir un rapport de confiance avec sa banque qui lui refusait jusqu’alors une carte de crédit…

Sa vie privée n’est pas banale non plus. Ses premières relations sont homosexuelles. Il a ensuite un fils avec une maîtresse secrète, est arrêté pour atteinte à la pudeur, épouse Alicia, une superbe physicienne dont il aura un fils.

Quelles facettes de la vie de Nash le film de Howard va-t-il privilégier? La lecture du generic chewable cialis laisse entendre que l’accent sera mis sur la «love story». Jennifer Connely qui interprête Alicia y tient un rôle très important. Et l’aspect scientifique?

Crowe admet dans une interview (The Scotsman, le 3 mars dernier): «Heureusement, il s’agit juste d’un film car j’étais un cas désespéré en math à l’école.» Quant au principal interressé, Nash, que pense-t-il du choix de l’acteur: «Je pense qu’il est capable de jouer d’autres rôles que celui de gladiateur, ce que, de toute évidence je ne suis pas.»

«A Beautiful Mind» devrait sortir en décembre 2001 sur les écrans.

——-
La schizophrénie est une psychose délirante relativement fréquente (1% de la population) dont les origines sont encore mystérieuses. Son éventuelle explication génétique est controversée. Ainsi, le professeur MacDonald, du Département de psychologie de l’Université de Pittsburgh, vient de publier une étude portant sur des jumeaux qui apporte un éclairage nouveau sur la question.