A Olten, les professionnelles du sexe sont très énervées par l’installation de caméras de surveillance dans le quartier chaud. Elles sont défendues par Lysistrata, un autobus qui évoque l’Antiquité grecque.
L’affaire fait beaucoup de bruit à Olten. En installant trois caméras de surveillance dans son quartier chaud, la municipalité vient de déclencher la fureur des prostituées. Cette mesure, d’un coût total de 80’000 francs, était pourtant destinée à les protéger. Les caméras seront activées chaque jour de 17 heures à 7 heures du matin. Elles doivent permettre aux autorités locales «d’élucider les délits et d’agir préventivement».

Mais les prostituées redoutent déjà les répercussions négatives d’une telle mesure. La surveillance vidéo du quartier risque de faire fuir les clients. Le commerce du sexe se déplacerait donc dans d’autres zones, plus discrètes. Les professionnelles devraient alors se cacher, seraient isolées et d’autant plus exposées à des risques de violence. C’est ce qu’a déclaré l’association du Frauenbus Lysistrata – qui les représente – dans un communiqué envoyé début janvier à la presse (Aargauer Zeitung, 5 janvier 2001).
Cet «autobus des femmes» Lysistrata est présent depuis 1996 dans le quartier chaud d’Olten, où il accomplit un travail de prévention dans les domaines du sida, de l’hépatite et de la violence à l’encontre des prostituées. Or, pour des raisons de financement insuffisant, le bus ne peut être ouvert que de façon intermittente, une fois par semaine, contrairement à ce qui avait été initialement prévu.
Dans son communiqué, le Frauenbus Lysistrata relève que les vols et agressions commis ces derniers mois contre des femmes ne se seraient pas produits en sa présence. La municipalité veut assurer la sécurité des professionnelles? Fort bien. Mais au lieu d’installer des caméras de surveillance, ne ferait-elle pas mieux d’augmenter le budget du bus?
Bien que très importunées par cette détérioration de leurs conditions de travail, les prostituées ne menacent toutefois pas de recourir à l’arme absolue: la grève du sexe, qui a rendu Lysistrata célèbre.
Personnage de la comédie éponyme d’Aristophane, Lysistrata est l’une des figures les plus originales de la littérature. Elle porte bien son nom, qui signifie «celle qui dissout les armées». Pour mettre fin à la guerre entre Athènes et Sparte qui déchirait la Grèce, elle eut une idée extrêmement efficace.
Son projet: tant que les hommes n’auraient pas déposé les armes, les femmes se refuseraient à leur mari ou amant. Toutes les habitantes des villes belligérantes acceptèrent de participer à cette grève et se dérobèrent au devoir conjugal.
Belliqueux et fiers, les hommes s’indignèrent tout d’abord des conditions dictées par Lysistrata. Mais ils les acceptèrent finalement, pour qu’il soit mis fin à leur supplice. La gent féminine parvint ainsi à conclure la paix .
L’arme de Lysistrata serait-elle devenue obsolète? Si les prostituées d’Olten ne jouent pas les émules de l’héroïne grecque, c’est qu’elles ne sont pas des femmes de guerriers. Leur statut est précaire, une grève ne pourrait que les pénaliser.
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A Lyon, le projet d’installer 62 caméras dans le quartier «sensible» de la Duchère ainsi que dans une partie du centre-ville a été accepté l’an dernier par le Conseil municipal. Pour prendre connaissance des réactions que cela suscite, consultez le site Non à Big Brother.
Par ailleurs, le site Privacy.org débat des problèmes soulevés par le recours à la technologie et l’atteinte à la liberté individuelle.
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Dessin Alexia de Burgos © Largeur.com