LATITUDES

Suivre des cours pour apprendre à rire

Puisque le rire soigne, des stages de rigolade sont organisés à Paris. Première leçon : distinguer le «ha! ha! ha!» du «hi! hi! hi!» et du «hé! hé! hé!».

Enfin un médicament qui agit plus vite que n’importe quel produit chimique. Un médicament que l’on peut consommer sans modération, sans crainte d’effets secondaires et sans bourse délier: le rire. On le savait efficace contre la mauvaise humeur, la nervosité et le stress. Lors du dernier congrès américain de cardiologie à la Nouvelle Orléans, des chercheurs de l’Université du Maryland ont démontré que le rire contribue à la prévention du risque cardiaque.

Que ceux qui éprouvent des difficultés à rire ne paniquent pas, il existe des stages pratiques, à Paris, pour s’exercer.

L’histoire de la thérapie par le rire est une longue histoire qui va d’Aristote à l’embauche, depuis quelques années, de clowns par les hôpitaux en passant par Freud, Adler, Bateson, Fry, Holden et Rubinstein (vous en trouverez un bon résumé sur le site Humor.ch). Jusqu’ici, l’efficacité de cette thérapie d’appoint n’était pas établie scientifiquement. C’est désormais chose faite.

Riez de bon cœur si vous êtes cardiaques (ou si vous voulez éviter de le devenir). Selon une étude de cardiologues de Baltimore, rire et sens de l’humour aiguisé sont des armes efficaces dans la prévention de la crise cardiaque. Ces chercheurs ont soumis un questionnaire à 300 personnes dont la moitié avait souffert d’attaques ou subi une intervention cardio-vasculaire. L’autre moitié était indemne de toute pathologie cardiaque.

L’étude de leurs réponses a permis de mettre en évidence que les cardiaques s’avèrent être des personnes très sérieuses et excessivement stressées. Près de 40% d’entre eux attestent ne pas rire alors que leur entourage s’en donne à cœur joie (le site Eurekalert propose un aperçu des questions posées).

Selon Michel Miller, le directeur de la recherche, «le vieil adage selon lequel le rire est la meilleure médecine de l’homme est aujourd’hui confirmé par notre étude qui est la première à démontrer le lien entre le rire et la maladie cardiaque. Si nous ne savons pas encore pourquoi le rire protège le cœur, a contrario nous savons qu’un excès de stress et/ou de colère peut endommager les parois des vaisseaux sanguins».

Il ne serait donc pas étonnant de voir le rire s’inscrire d’ici peu dans l’arsenal préventif et thérapeutique de la maladie cardiaque. «La recommandation pour avoir un cœur sain pourrait être: faites de l’exercice physique, mangez correctement et riez tout les jours un moment, poursuit le docteur Miller. Malheureusement, nous ne savons pas encore proposer des exercices pour apprendre à rire de bon cœur et se prendre moins au sérieux dans la vie.»

A Paris, c’est désormais possible: on peut suivre des cours pour apprendre à rire. C’est Bernard Raquin, auteur de «Le Rire pour vivre» (éditions Dangles) qui organise ces stages de rigolade. Martine Tartour, journaliste au magazine Cosmopolitan, s’y est inscrite et elle en rit encore. Petit résumé: chacun commence par donner les motivations de sa présence. On passe ensuite aux travaux pratiques. Il s’agit de découvrir les mécanismes du rire.

Premier exercice: le rire physiologique ou rire en «a». En chœur et en saccades: «ha, ha, ha, ha», pendant dix minutes. Oxygénation, massage des côtes, stimulation des glandes lacrymales et salivaires, activation du système immunitaire. Deuxième exercice: le rire en «i», dit aussi «rire social». Anti-conflictuel, il désamorce les situations de crise. «Hi, hi, hi, hi».

Troisième exercice: le rire en «é», dit «rire de tête», à manipuler avec soin car c’est celui de la moquerie. «Hé, hé, hé…» Les prochains stages du rire auront lieu les 20 janvier, 3 février et 10 mars prochains, au tarif de FF 500.– la journée. On peut déjà s’inscrire auprès de Bernard Raquin.

Ceux qui préfèrent ne pas quitter leur ordinateur peuvent l’utiliser pour rire un peu, avec les sites Rigoler.com ou Humour.com, qui proposent des blagues plus ou moins drôles.

Longtemps réservé aux seuls philosophes, le rire est aujourd’hui à la mode du côté des historiens qui, eux aussi, se sont mis à discourir sur «le propre de l’homme». Parmi la foison d’ouvrages publiés sur le sujet, je vous conseille l‘«Histoire du rire et de la dérision» (aux éditions Fayard) de Georges Minois, historien des mentalités. On y apprend que les blagues fleurissaient dans la Grèce antique. Les locataires de l’Olympe ne riaient-ils pas d’un rire «inextinguible»? L’Eglise catholique jugea le rire satanique et forgea, dès le IVème siècle, le dogme du «Jésus n’a pas ri».

«Le Marx de l’hilarité, le fondateur de l’Internationale du rire», c’est Rabelais, selon Georges Minois. Sous la Révolution française, le rire fut même interdit au Parlement sous peine d’amende.

Le XIXe siècle se termine en «apothéose du rire» avec la mort du président Felix Faure dans les bras de sa maîtresse. Avec le XXème siècle débarque le règne d’un rire à la Nietzsche, à la Kafka ou à la Ionesco. C’est un rire dont Beckett disait qu’il était «sans joie».

«On ne rira plus au XXIème siècle», conclut Minois, à qui les statistiques françaises semblent donner raison. En 1939, les Français riaient en moyenne 20 minutes quotidiennement alors qu’en 1999, malgré l’entrée dans l’ère des rires pré-enregistrés, ils n’en sont plus qu’à 6 minutes.

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Dessins originaux d’Alexia de Burgos. © Largeur.com

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Pour s’inscrire aux cours de rire, envoyer un e-mail à Bernard Raquin.

«Histoire du rire et de la dérision» de Georges Minois, aux éditions Fayard.