LATITUDES

Un livre dans la valise, départ pour Samarcande

Partir à l’aventure, au carrefour des cultures et de la soie. Partir à Samarcande, «la plus belle face que la Terre ait jamais tournée vers le soleil».

Je n’ai jamais vu Samarcande, la «précieuse perle du monde». Mais je connais ses ruelles d’autrefois, les anciens bazars aux épices, les échoppes des drapiers, les caravansérails où se reposaient les marchands venus de Chine, d’Inde, d’Iran et de Byzance. Je ne sais pourtant rien, ou presque, de l’Ouzbékistan actuel, cette ancienne république soviétique indépendante depuis 1991, au trois quarts recouverte de sable et coincée entre deux fleuves.

De Samarcande aujourd’hui, je ne connais que les commentaires émerveillés, tombés de la bouche de convives tout juste de retour, encore sous le charme des dômes en faïence de la ville turquoise. Quelques recommandations aussi, lâchées ça et là: l’infrastructure touristique est maigre, les cafés et les bars peu nombreux et rares sont les occasions d’échanger trois mots d’anglais. L’aventure, blottie au carrefour des cultures et de la soie.

Mon “Samarcande” à moi se confond avec celui de l’écrivain Amin Maalouf, et mon expérience de la ville est dès lors liée à l’étrange destin du manuscrit de Samarcande. Un recueil de quatrains écrit au XIe siècle par Omar Khayyam, poète du vin et astronome de génie, un texte égaré lors des invasions mongoles et retrouvé six siècles plus tard. Mais aussi à celle de Hassan Sabbah, fondateur de l’ordre des Assassins, la secte la plus redoutable de l’histoire.

Il n’y avait guère que le magicien Maalouf pour transformer l’histoire d’un manuscrit en un conte des Mille et Une Nuits. C’est grâce à lui que j’ai fait la connaissance d’Omar Khayyam, en 1072, à Samarcande. C’était l’été. Le jeune savant perse venait tout juste d’arriver de Nichapour, sa ville d’origine, et logeait dans un caravansérail à l’entrée de la ville. En même temps que lui, j’ai découvert les tavernes du marché au poivre, goûté au vin musqué de Soghdiane, bu aux deux mille fontaines de la cité, assisté aux joutes des poètes populaires sur la place de Ras-al-Tak et au cortège arrogant de Nasr Khan, maître de la Transoxiane, «géant cuivré ruisselant de broderies».

C’est de la terrasse du Kuhandiz, la vieille citadelle, que la vue sur Samarcande était alors la plus belle. On n’y rencontrait «qu’eaux et verdure, carrés fleuris et cyprès taillés en forme de boeufs, d’éléphants, de chameaux baraqués, de panthères qui s’affrontent… ça et là, l’élancement d’un minaret de brique, une coupole ciselée d’ombre, la blancheur d’un mur de belvédère».

Puis nous avons quitté Samarcande pour Ispahan. Je ne suis pas certaine d’y revenir un jour. Gengis Khan étant passé par là, il ne reste plus grand chose de la cité d’autrefois. Les édifices qui y ont fleuri depuis datent pour la plupart de l’époque de Tamerlan qui en fit sa capitale. Depuis l’éclatement de l’Union soviétique, les autorités de l’Ouzbékistan ont d’ailleurs fait de ce combattant sanguinaire la figure de proue de la «renaissance» du pays. Les musées et les monuments à sa gloire s’élèvent un peu partout, recouvrant d’autres sites. Tout le monde en profite. L’office du tourisme, tout d’abord, qui attend 500’000 visiteurs cette année contre 92’000 il y a quatre ans. Le président Karimov, ensuite, régulièrement rappelé à l’ordre par les organisations de défense des droits de l’Homme, qui bénéficie de la légitimité d’un héros qu’il a lui-même réhabilité et auquel il se compare volontiers.

Les voyageurs qui vont jusqu’à Samarcande, eux, n’ont pas changé: ils en reviennent toujours éblouis. Même s’il n’y reste aucune trace d’Omar Khayyam. En attendant mieux, je lis ses quatrains et médite les recommandations qu’Amin Maalouf prête au cadi Abou-Taher de Samarcande: «N’oublie jamais ce que sont nos villes d’islam: rien que des oasis qu’un moment d’abandon ramènerait au désert. Constamment à la merci d’un vent de sable».

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Corinne Bloch

Quatre spécialistes suisses romands des voyages en Ouzbékistan:

Horizons Nouveaux, à Verbier, tél. 027/771 71 71. Voyage culturel de 12 jours, de Tashkent à Samarcande en passant par Bukhara.
SFr. 5’390.– tout compris. SFr. 4’990.– à partir de 7 personnes. Circuit de 20 jours «Sur la Route de la Soie», dès SFr. 5890.–

Voyages et Culture, à Lausanne, tél. 021/312 37 41. Propose des circuits combinés avec l’Iran, la Chine ou le Pakistan, 20 jours minimum en groupe ou en individuel, dès SFr. 7’000.– tout compris. Circuit Ouzbékistan, 14 jours, SFr. 5’300.–

Parsian Travel, à Genève, tél. 022/718 34 00. Circuit de 15 jours “Sur la Route de la Soie”, Iran et Ouzbékistan, dès SFr. 3’900.–

Artou, Genève, tél. 022/818 02 02. Propose deux escapades de 9 jours en Ouzbékistan. Pour SFr. 1’980.–, voiture avec chauffeur, logement, pension complète, vol non compris. Pour SFr. 4’900.–, le vol est compris dans le prix, ainsi qu’un guide conférencier.

Le livre à embarquer dans ses bagages: «Samarcande», d’Amin Maalouf