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Des problèmes rien qu’à nous

En attendant une campagne électorale où chacun essayera de suivre l’UDC à la trace sur le thème unique de la migration, l’armée suisse a le mérite d’égayer l’été médiatique avec des problématiques autrement originales.

Heureusement qu’elle est là. Sinon il aurait fallu se contenter, en guise de feuilleton estival, de ce Watergate du pauvre concocté par l’UDC vaudoise. En gros: enregistrer à leur insu des gens qui n’ont de toute façon rien à dire, histoire de prouver qu’ils n’en pensent pas moins — on résume. La misère autrement dit. Mais heureusement, on peut toujours, c’est bien connu, compter sur l’armée suisse.

Omniprésente, audacieuse, osant tout, c’est même à ça qu’on la reconnaît, l’armée suisse. La sécheresse, la canicule? Et hop je t’envahis le territoire d’un pays voisin et néanmoins ami. Pour lui piquer, comme on sait, son eau. La cause était certes doublement sacrée puisqu’il s’agissait, on résume là aussi, d’abreuver des vaches produisant des têtes de moines. La performance, toujours est-il, a impressionné le monde entier. Un magazine en ligne américain l’a même inscrite dans la longue série d’une superproduction qui s’intitulerait «Switzerland’s problems are not like the rest of our problems». Képi bas donc.

Nos militaires n’allaient pourtant pas s’arrêter en si glorieux chemin. Des jeunes pilotes de chasse à entraîner sur Pilatus? Et hop que je choisis le Val d’Hérens, qui a fait du tourisme doux son arme fatale et ne possède, outre ses paysages à dents blanches et à couper le souffle, qu’un seul autre véritable argument de vente: le silence. Mais le silence, l’armée ne le conçoit visiblement que d’une seule manière: dans les rangs.

Donc dix jours d’un vacarme «dérangeant», voire «franchement inquiétant» selon les témoins, et ce au plus fort de la saison touristique estivale. Avec exercices pour de vrai, combats aériens, avions en piqué et tout et tout. Les touristes ont eu le toupet de se plaindre. Une vraie réussite en plein marasme où les stations ne savent plus quoi inventer pour attirer des visiteurs échaudés par la puissance gloutonne du franc.

Les forces aériennes ont fait valoir pour leur défense qu’il s’agissait d’une situation «exceptionnelle». Due semble-t-il au fait que «l’espace aérien français», où devaient se dérouler préalablement les exercices, était «indisponible». La France et son espace aérien semblent décidément devenir une obsession chez nos gradés.

On n’est pas sûr qu’il faille se réjouir pourtant de voir tout ce bazar disparaître à la rentrée. Ces problèmes typiquement suisses et cette armée à nulle autre pareille rentrer dans leur trou ou leur caserne. Et retrouver pour le coup des problèmes tristement pareils à ceux qui peuvent se rencontrer ailleurs.

Mieux vaut en effet se faire une raison: dès septembre et le vrai lancement de la campagne pour les chambres fédérales, on parlera, essentiellement, d’asile et d’immigration. Puis d’immigration et d’asile, en boucle, comme un mauvais mantra. Adieu Pilatus vrombissants, vaches assoiffées, pollution sonore et tyrannie du franc fort.

A la question de savoir pourquoi, lors de chaque joute électorale, c’est le thème fétiche et le chiffon rouge de l’UDC qui écrase tous les autres, les réponses se font généralement penaudes. Les radicaux par exemple refilent un peu facilement le mistigri au bon peuple: «Il est difficile de ne pas aborder ce sujet qui est perçu comme le problème numéro un des Suisses». La question de la migration est en effet jugée «prioritaire» par 49% d’entre eux.

Sauf qu’une politique digne de ce nom consisterait à imaginer, prévoir, inventer, proposer, plutôt que suivre paresseusement les états d’âme du café du commerce. Plutôt aussi que courir après une UDC qui ramène le migrant à un seul rôle: celui d’épouvantail bien utile.