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Traiter les touristes comme des requérants

La canicule est finie mais la surchauffe guette toujours les esprits les plus innovants. En Argovie comme à Genève, sous tente comme au fond des bunkers.

Fin de la canicule. Les Grecs pourtant continuent de tirer la langue. Comme l’ont fait les cyclistes du Tour de France arrivant au bout de leur pensum. Enfin, comme presque tous les cyclistes l’ont fait. Car, comme d´habitude un seul n’a pas semblé souffrir. Pas une seconde. Comme autrefois Miguel, comme jadis Lance, ou comme il n’y a pas si longtemps Antonio. La roue tourne, les réflexes demeurent.

En Valais par exemple, rien à signaler sauf comme souvent un nombre plus élevé que prévu de loups, six au moins et conséquemment une palanquée de moutons qui trépassent vite fait. Ailleurs, un peu partout, les patriotiques feux du premier août se voient menacés par la sécheresse et ça énerve logiquement quelques patriotes eux, par contre très allumés.

Bref un été comme les autres avec son Paléo plus paratonnerre que jamais. Même les candidats aux élections fédérales n’ont pas encore la force de se lancer dans la bataille. Sauf évidemment le trépidant Morginois Philippe Nantermod, jeune et néanmoins éternel candidat du parti radical et qui lui s’y est peut-être pris un peu tôt, dès le mois de décembre 2014 via WhatsApp. Quand d’autres candidats n’ont pas encore mis à jour le blog de leur campagne de 2011. Qui se sacrifiera pour rappeler que le lièvre et la tortue, cela reste une fable?

Cette inertie et cette paresse estivale n’empêchent pourtant pas ici ou là l’imagination politique de faire rage. Deux exemples d’une incomparable audace ont ainsi été proposés aux esprits assoupis et brumisés par, respectivement, les cantons de Genève et d’Argovie.

Le premier n’a-t-il pas tranquillement ordonné la dégradation d’un immeuble de manière à le rendre inutilisable pour d’éventuels squatters? Une façon bien astucieuse, toute en finesse, de répondre à l’inextinguible convoitise de ces mal élevés. Le deuxième n’a-t-il pas osé dépasser le banal concept de bunker, proposant comme logement idéal pour les requérants désormais la tente militaire. Rebaptisée en sabir administratif «infrastructure mobile et temporaire».

Tant de générosité stupéfie et ajoute à la suffocation ambiante. Surtout que même l’OSAR — l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés — ne trouve pas grand-chose à redire à ces tentes: «C’est humainement moins grave que de parquer les gens dans des abris PC.» Comme il est félinement moins grave de noyer son chat plutôt que le brûler vif.

De quoi se plaint-on après tout? Les miséreux du monde ne sont pas les seuls à loger dans nos bunkers. L’imagination sans borne exerce en effet aussi ses ravages dans le domaine touristique. Un secteur condamné à phosphorer par ce satané franc fort qui agit sur nos éventuels et désargentés visiteurs comme un véritable répulsif.

Tout est bon alors pour chasser les mauvaises odeurs d’argent et cette vilaine impression de pays hors de prix. Et ça fuse de partout: drones qui filmeront les touristes, applications intelligentes et personnalisées qui les accompagnent, troisième nuit d’hôtel proposée à un franc, guides visant des catégories spécifiques comme les Dinks (Double income No Kids, autrement dit: couples friqués sans enfants) — ou les «Cool forever», à savoir «les jeunes seniors mobiles». Quand, plus fou encore, nos bons offices du tourisme ne visent tout simplement… les femmes. En attendant les mal voyants et les unijambistes.

Ou encore — on y vient enfin — ce génial concept «d’hôtel zéro étoile», à 30 francs la nuit. Le prix pour loger dans un abri antiatomique. On trouve par exemple un de ces «zéro étoile» à Teufen dans le canton d’Appenzell. Quant à l’encore plus innovante idée de loger les touristes sous des tentes, parions que bientôt un des génies du marketing touristique finira par la trouver.