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Heidegger à Fribourg (Suisse)

L’UDC fribourgeoise veut lancer une initiative populaire contre l’ouverture du Centre «Islam et société» à l’Université. En oubliant que piétiner l’autonomie universitaire est la marque des plus fâcheuses dictatures.

«L’université va tête baissée sans écouter l’opinion publique», enrage le député Nicolas Kolly. En cause, l’ouverture du «Centre Islam et société» (CIS) de l’Université de Fribourg, contre lequel l’UDC fribourgeoise entend lancer une initiative populaire.

Nicolas Kolly et ses sourcilleux amis ne semblent pas imaginer un instant que, parfois, rester sourd aux approximations du café du commerce pourrait être le moins qu’on puisse attendre d’une université. Que garder son sang-froid plutôt que de céder aux émotions premières, privilégier la réflexion compliquée et sereine plutôt que l’anathème mécanique, l’intelligence plutôt que la trouille et la voix des viscères, serait plutôt la marque d’une tête haute.

Vouloir actionner le vote populaire pour décider ou non de l’existence d’un institut universitaire revient à dévoyer la mission de l’université. A lui lier les mains, à piétiner la liberté académique. Bref, à se comporter face à ces temples du savoir que sont, que devraient être les écoles supérieures, comme une vulgaire dictature imposant le choix des professeurs, établissant les programmes, bannissant tels enseignants et telles matières, en promouvant tels autres.

L’université fantasmée par l’UDC n’a pas meilleure allure que celles dont les instituts phares rabâchaient les subtilités du marxisme scientifique, ou celle de Fribourg…en Brisgau, et son célèbre recteur Heidegger, adhérant au parti nazi (NSDAP) de 1933 à 1945. Voulant expliquer pourquoi il fallait privilégier le vote populaire dans cette affaire, l’UDC indique: «Une initiative sur le plan de la loi serait entrée en concurrence avec la loi sur l’autonomie de l’Université». L’autonomie de l’Université, voilà donc bien l’horreur désignée.

Soyons juste: l’UDC fribourgeoise n’est pas seule à penser de cette manière, à vouloir s’immiscer dans le fonctionnement et le contenu des hautes écoles, les aligner sur ses courtes vues. Lors d’un vote de défiance au Grand Conseil, pour arriver à une majorité contre le CIS – 52 contre 38 – il a fallu bien des soutiens radicaux et démocrates-chrétiens. Sur les 52 voix, en effet, seules 19 émanaient des rangs agrariens.

Tous sans doute grands croyants, fins expert de Thomas d’Aquin, tous théologiens affutés qui mettent en avant pour refuser le CIS «la tradition catholique» de l’Université de Fribourg. Laquelle serait bien fragile et en bien piteux état si elle devait s’affaisser sous la menace d’un institut composé d’un professeur et d’un professeur assistant.

A moins que les docteurs angéliques de l’UDC et leurs alliés n’estiment qu’«Islam et société», ce n’est pas un thème d’importance, pas un sujet de discussions, d’études et de préoccupation. L’Islam et la société, pourtant, l’UDC ne parle plus que de ça ou presque depuis quelques années. Aurait-elle le monopole de la parole en ce domaine? On ne voit pas non plus en quoi craindre une islamisation des sociétés européennes dispenserait d’être intelligent et d’approfondir le sujet. Ce serait même le contraire.

Enfin, les buts du CIS, tels que définis par son tout nouveau directeur Hansjörg Schmid, se résume à ceci: la «recherche et le dialogue interreligieux», offrir «aux imams et aux personnes de référence des communautés musulmanes des connaissances utiles à l’intégration dans l’environnement suisse» et s’adresser également «aux personnes qui, dans leur profession, sont en contact avec des musulmans».

On n’osera en conclure que l’UDC et ses soutiens soient contre la recherche, contre le dialogue, contre les connaissances utiles à l’intégration, et qu’ils privilégient plutôt l’ignorance, la guerre et le dédain de l’environnement suisse. Vous avez dit «tête baissée»?