LATITUDES

Une deuxième vie pour les objets défectueux

Né au Pays-Bas, le concept de «Repair Café» propose de réparer des produits électroniques usés, avec l’aide de spécialistes. Plusieurs projets s’en inspirent en Suisse romande.

«Réparer votre objet? Oubliez! Cela coûterait plus cher que le prix d’achat et il n’est pas certain que les pièces de rechange existent encore.» Qui n’a déjà obtenu cette réponse, à l’heure de se renseigner quant à une quelconque réparation? Contraints de changer de produits à intervalles de plus en plus brefs, les consommateurs subissent ce phénomène telle une loi inéluctable. A l’exception, toutefois, de certains «consomm’acteurs» qui se muent en «répar’acteurs».

Parmi ces derniers figurent les initiateurs des Repair Cafés, qui s’insurgent contre cette forme de dictature sans scrupules qui pousse au gaspillage et nous transforme en esclaves de la consommation. «Venez réparer votre appareil défectueux accompagné par des experts, gratuitement»: l’appel a été lancé début décembre par la société La Bonne combine de Prilly, qui a décidé d’ouvrir un café-réparation. Son principe: allier transfert de connaissances et prolongation de la durée de vie des produits électroménagers, informatiques ou multimédia. Un pied de nez à la société du prêt-à-jeter. Pour le printemps 2014, deux cafés-réparation sont en gestation sous la houlette de la section genevoise de la Fédération romande des consommateurs (FRC).

Consommer moins tout en créant du lien, réparer plutôt que remplacer… Le concept des Repair Cafés est né aux Pays-Bas, en 2009, puis a essaimé en Europe. Leurs responsables militent en faveur de directives européennes qui contraindraient les fabricants à prendre le chemin de l’«écoconception», c’est-à-dire construire plus de produits réparables. «Ils participent d’un mouvement qui peut sauver le monde», estime Wolgang Heckl. Ce professeur de physique allemand vient de publier «Die Kultur der Reparatur», un éloge très convaincant de la réparation.

«Notre attitude à l’égard des biens matériels qui nous entourent nous révèle en tant qu’homme»: partant de ce postulat, Heckl voit dans chaque réparation aboutie une occasion de consolider l’estime de soi. Nous devons nous défaire du réflexe de renouveler en permanence nos appareils. Qui a lu l’ouvrage, dont on parle beaucoup outre-Rhin, n’estimera plus que c’est perdre son temps que de recoller l’anse d’une tasse à café. Une réparation des plus simples, à la portée de tout un chacun.

Mais comment ne pas être démuni face aux appareils informatiques, électroniques ou électroménagers? C’est là que les Repair Cafés entrent en jeu. Toutefois, cela ne doit pas empêcher chaque consommateur de se poser les bonnes questions avant l’achat: «Quelle est la durée de la garantie? L’appareil est-il facilement démontable en vue d’une réparation? Combien de temps les pièces détachées seront-elles disponibles? Quelle est la durée de vie prévue du produit?», interroge Aline Clerc, responsable Environnement à la FRC, dans le mensuel Mieux choisir.

Au fond, sommes-nous réellement condamnés à être les malheureux propriétaires de téléphones, de postes de télévision, d’imprimantes ou d’aspirateurs à l’obsolescence programmée? Ceux qui souhaitent prendre une bonne résolution pour 2014 supprimeront le verbe «jeter» et le remplaceront par «réparer». Des conseils à suivre à la lettre, sous peine de ressembler aux robots moutonniers du court métrage «iDiots».