Très encouragée hier encore, la mobilité professionnelle se mue en un problème aux multiples facettes. Parmi lesquelles des répercussions sur la santé.
Au terme d’une journée de randonnée, six jeunes retraités, sac au dos, bâtons à la main, montent dans le train déjà bondé de pendulaires qui regagnent leur domicile. Débutent alors de féroces échanges de regard. Témoin de la scène, j’y lis des reproches adressés à ces jeunes qui ne connaissent plus la politesse et ne cèdent pas leur place. Quelle incivilité!
Incivilité ou incompréhension? «Ils sont en meilleure forme que moi. Je ne vois pas pourquoi je bougerais», chuchote ma voisine à son vis-à-vis. Gare d’Yverdon, les «vieux» descendent. Les habitués du trajet poursuivent leur pensum quotidien, soit pour certains plus d’une heure de déplacement entre leur domicile et leur travail.
Les conséquences néfastes d’un tel mode de vie ne se limitent pas à du stress et des incidences sur la vie familiale. Explorée depuis peu, la liste des répercussions sur la santé ne cesse de d’allonger.
Première population à avoir été auscultée, les pendulaires automobilistes. Surpoids, douleurs dorsales, maladies cardiovasculaires et ulcères les guettent. S’ils sont seuls à bord de leur véhicule, des troubles de la mémoire pourraient même se manifester. Leur mobilité n’est certes pas l’unique facteur à l’origine de telles pathologies mais une contribution non négligeable. La relation «plus de distance parcourue, plus de problèmes» est avérée selon une recherche menée auprès de 4300 automobilistes américains.
«Vos trajets pendulaires pourraient vous tuer», c’est le message délivré par une étude parue dans l’«American Journal of Preventative Medicine». Son auteur, Christine Hoehner, dresse un inventaire des menaces pesant sur les «navetteurs»: hypertension, diabète, maladies cardio-vasculaires, surpoids sont là encore cités. Les Européens ne sont évidemment pas épargnés par ce phénomène qu’a tenté de cerner Annette Haas en Allemagne. Les résultats viennent confirmer ceux des études américaines.
Pour ne pas rester sur le carreau, les «remèdes» débarquent sur le Net. Ainsi ces «Cinq moyens d’empêcher la «pendularité» de vous tuer» ou encore cet article intitulé «Stressing Out: When Commuting Is Your Life». De la camomille sur une jambe de bois?
La solution pourrait passer par un usage plus intensif du vélo. Il y a quarante ans, alors que les conséquences de la mobilité n’avaient pas l’acuité actuelle, le visionnaire qu’était Ivan Illich lançait un appel «vélorutionnaire». Publié en 1973, son opuscule «Energie et équité» n’a pas pris une ride. Persuadé que l’hypermobilité allait finir par tuer la mobilité, le sociologue prônait la mobilité obtenue par la force musculaire.
La réflexion d’Ivan Illich a résisté à l’obsolescence, comme le prouve l’action «Bike to work», organisée en Suisse durant ce mois de juin. Réunissant 50’000 pendulaires, elle encourage les déplacements professionnels à vélo. Tous en selle!