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L’affolement des promoteurs alpins

La lex Weber rend fou les promoteurs et les édiles alpins, surtout valaisans. Comme s’il n’y avait pas d’alternative économique à l’empilement de vilains chalets sur de beaux alpages.

Comme des sales gamins étourdis. On les avait pourtant prévenus. On? Rien moins que la présidente de la Confédération d’alors, Doris Leuthard. Mais pensez donc: ces têtes de linottes n’en ont fait qu’à la leur. N’ont rien écouté. Rien voulu savoir de l’incertitude juridique planant sur ces permis de construire pour des résidences secondaires accordés en rafales et dans la précipitation après l’acceptation populaire de la lex Weber en mars 2012.

Alors aujourd’hui que le Tribunal fédéral a sifflé la fin de la récréation, rappelé qu’une décision du peuple c’était forcément, et surtout immédiatement souverain, ils pleurent misère, crient leur colère et leur hargne, les édiles locaux, les promoteurs de tout poil, les montagnards offusqués.

Drôles de démocrates que ces gens-là, serait-on tenté de penser. Eux qui entendaient profiter de la période de transition suivant l’acceptation de l’initiative pour faire à toute vapeur le contraire exactement de que le peuple avait décidé. Alors ils s’inventent, eux les contempteurs du droit, un bon droit bafoué qu’ils portent en bandoulière. Un droit dont on ne voit pas bien le fondement, si ce n’est dans l’insatiable appétit du profit facile et immédiat.

Les arguments des foudres de guerre alpins et spécialement valaisans font mal, par leur manque de substance et une surabondance de mauvaise foi. Ainsi l’inénarrable promoteur de Veysonnaz Jean-Marie Fournier estime tranquillement que le Conseil d’Etat valaisan «n’a pas le droit d’appliquer cette loi». Au motif que 75% des Valaisans ont voté contre.

Sauf que ça n’a évidemment rien à voir: même si 100% des valaisans avaient refusé la lex Weber, ça aurait été pareil. Fournier parle comme si le Valais ne faisait pas réellement partie de la Confédération, comme si le territoire valaisan n’était que valaisan, comme si le Valais n’était pas situé aussi en Suisse, comme si les alpages valaisans n’étaient autant territoire suisse que la prairie du Grütli. Bref, Fournier parle comme si le Valais était un territoire indépendant, un véritable Etat avec tout pouvoir sur ses périmètres. Qui lui rappellera que ce n’est pas — du moins pas encore — le cas?

Quand à l’argument des 4000 places de travail perdues — outre qu’il s’agira essentiellement d’emplois saisonniers occupés par des saisonniers — on pourra répliquer, si l’on voulait être méchant, qu’avec le seul argument économique, on justifie tout aussi bien la prostitution enfantine et qu’Hitler dans l’histoire est sûrement l’homme politique qui a créé le plus de places de travail.

L’ancien conseiller national et aux Etats Simon Epiney s’étrangle lui d’indignation en rappelant que trois tribunaux cantonaux se sont prononcés à l’inverse du Tribunal fédéral. 20 ans passés sous la coupole à Berne n’ont visiblement pas suffi à Simon le Bon pour assimiler la distinction et surtout la hiérarchie entre les différents pouvoirs judiciaires.

Le président de la commune de Bagnes, Eloi Rossier, parle de son côté d’une «justice collectiviste». Mon-Repos, nid de soviets? Où, quand, quoi, comment? On s’interroge, on cherche, on suppute.

Le même Rossier, pourtant, abandonnant soudain le registre de la pleurnicherie compassée seyant si mal à des notables généralement gavés de communes souvent prospères, renoue avec un volontarisme de bon aloi, exprimé qui plus est à travers une métaphore bien valaisanne: «Aujourd’hui le verre est vide. Mais nous devons être imaginatifs et actifs pour le remplir à nouveau.» Imaginatifs, voilà, actifs bien sûr. Car il existe sûrement autre chose dans la vie et pour gagner sa vie — même en Valais — qu’empiler de vilains chalets sur de beaux alpages, sans jamais s’arrêter.