TECHNOPHILE

La guerre des casques: Carla Bruni contre Dr. Dre

Les casques audio ne sont plus l’apanage des adeptes de rap. Ils sont sur toutes les oreilles et font partie des gadgets les plus tendance du moment.

Même si sa carrière musicale est sur le déclin, le rappeur californien Dr. Dre n’en demeure pas moins, en 2012, le musicien le mieux payé de la planète, selon le magazine économique américain «Forbes». Pour décrocher cette première place, il s’agit de multiplier les sources de revenus, car écouler des millions de disques ne suffit plus. Sur les 110 millions de dollars engrangés par Dr. Dre, 100 millions ne proviennent pas de ses activités musicales mais de la vente des fameux casques Beats by Dr. Dre.

Se balader avec l’initiale «b» sur les oreilles, c’est joindre «the Beats Army», dixit le slogan. Une armée qui ne compte pas que des amateurs de rap. On se rappelle les derniers Jeux olympiques: le nageur multi médaillé Michael Phelps et le sprinter jamaïcain Usain Bolt, retranchés derrière leur casque comme des centaines d’autres athlètes. Tous au bénéfice d’un casque cadeau — parfois aux couleurs de leur drapeau national — de la firme aux célèbres «b». Une excellente opération marketing qui permet de transformer des célébrités en vitrines, sans les rémunérer.

Combien l’ex première dame de France a-t-elle demandé pour apparaître dans la publicité d’un casque haut de gamme, le Zik de la marque Parrot, dessiné par Philippe Starck? On l’ignore, mais il y a fort à parier qu’elle a dû longuement réfléchir avant de relancer ainsi sa carrière de modèle. Et c’est avec un casque qu’elle entame son retour sur le marché.

La guerre à l’armée de Dr. Dre est déclarée. Avec Carla Bruni, mais aussi Beth Ditto comme égéries, le casque français compte bien révolutionner le rapport au produit high tech. RZA, le membre fondateur du groupe mythique du Wu-Tang Clan, s’attaque lui aussi à l’hégémonie du Dr. Dre avec son casque, le WeSC Chambers by RZA.

En novembre dernier, c’était au tour de la famille rock, avec Motörheadphönes, de tenter de rivaliser, non plus en matière de vente de disques mais de vente de casques. Des casques faits pour envoyer du lourd! «Rappelez-vous, si c’est trop fort, c’est que vous êtes trop vieux», lit-on sur la pub de la marque. Pas en reste, Philips s’est lancé dans la bataille avec son Fedelio L1. Quant aux Japonais, ils sont bien présents sur le champ de bataille avec notamment Audio-Technica et Panasonic.

Que de casques déjà sur le marché ou en passe d’y entrer! Que d’usages différents! Le port d’un casque n’est plus uniquement associé au désir d’écouter, dans sa bulle, la musique que l’on aime. Pour se rendre au travail en train (même en première classe), il signale que l’on est bien dans le coup. Quand on est people, il permet d’éviter de répondre aux sollicitations et questions des fans. Un usage bien connu des footballeurs. Après le fiasco des Bleus en Afrique du Sud en 2010, des clubs français (Brest, Olympique Marseille, Olympique Lyonnais) ont interdit à leurs joueurs de porter le casque quand ils rencontraient leurs supporters.

Dans un environnement de plus en plus bruyant, un casque peut absorber les désagréables perturbations sonores: «Vous allez aimer ce que vous entendez et ce que vous n’entendrez pas», promet Bose grâce à son modèle QuietComfort 15. Un bureau en open space ne réunit pas les conditions idéales pour se concentrer, d’où la présence fréquente de personnes travaillant casquées. Dans la cour de récré, c’est devenu un moyen de se donner une contenance, voire d’éviter le contact.

Le casque audio, cet objet qui permet le retrait de chacun dans l’univers de son choix, mélodieux ou silencieux, n’est-il pas emblématique d’une société qui cloisonne les individus dans leur solitude?