KAPITAL

Volkswagen, le benchmark automobile

La marque peut se targuer d’un parcours presque sans faute depuis dix ans. Décryptage d’une incroyable success story.

C’est la fête chez Volkswagen. Comme un symbole de son succès presque insolent, alors que le secteur de l’automobile continue de souffrir en Europe, le groupe allemand a bouclé à la fin juillet le rachat de Porsche, qu’il contrôle désormais à 100%. L’opération aura coûté (au total) la bagatelle de 8,4 milliards d’euros. Mais fort de ses 15,4 milliards de bénéfices l’an dernier, le groupe au 11 marques, dont Audi, Skoda, Seat, Lamborghini ou encore Bentley, a les moyens de ses ambitions.

Le conseil de surveillance de Volkswagen s’était déjà offert en avril un petit caprice pour la somme de 860 millions d’euros, en s’emparant du fabricant de motos italien Ducati. De quoi marcher définitivement sur les plates-bandes du compatriote BMW, concurrent de VW dans le haut de gamme. Et pour compléter ce feu d’artifice: le modèle Up, la mini-citadine de Volkswagen, a décroché le titre de Voiture mondiale 2012.

Comment le numéro deux mondial (derrière GM), qui aspire même à la première place d’ici à quelques années — il a parlé de 2018 — a su s’imposer en modèle de l’automobile? VW ne cesse de le marteler: aucun rival ne dispose d’une offre aussi riche que lui. «Grâce à ses nombreuses marques, le leader européen couvre l’essentiel des besoins des automobilistes. Et dans la plupart des segments de prix, ces voitures sont la référence. «Les autres suivent et ne font que s’aligner sur les standards de VW», constate Hans-Peter Wodniok, analyste auprès de Fairesearch, basé à Kronberg dans la banlieue de Francfort.

«La complémentarité entre marques et modèles est unique dans ce secteur. Personne d’autre ne couvre aussi largement les besoins de la clientèle», confirme Christophe Laborde, analyste au sein de la banque privée genevoise Bordier & Cie. Goldman Sachs abonde également dans ce sens. Dans une étude récente, la banque détaille: «Accompagner les consommateurs dans leur ascension sociale, en les faisant passer d’une marque à une autre au sein du même groupe, c’était le rêve de General Motors il y a un siècle. VW le fait aujourd’hui.»

Autre atout de Volkswagen, sa diversification géographique. Le groupe est présent partout et est très bien implanté dans les pays prometteurs, et ce depuis longtemps. Résultat: des taux de croissance des ventes à deux chiffres en Amérique du Nord (+ 21%) et en Europe centrale et orientale (+ 30%), et à trois chiffres en Asie-Pacifique (+ 22%). Seul bémol: la faible part de marché de VW aux Etats-Unis, soit seulement 3%. En soit pas une catastrophe car le groupe peut se prévaloir de 20% en Amérique latine, de 15% en Europe et de 18% en Asie. VW affiche toutefois ses ambitions outre-Atlantique et entend doubler ses parts de marché, voire parvenir à 8% ces prochaines années. Cette présence géographique se traduit aussi au niveau industriel, avec de nombreuses usines dans les marchés les plus importants. La Chine est à ce titre emblématique. Avec 1,9 million de voitures vendues l’an passé dans l’Empire du Milieu. «La Chine est le vent qui pousse VW dans le dos», s’enthousiasme Martin Winterkorn, le PDG du groupe, qui estime que ce marché va croître de 75% d’ici à 2018. Objectif: doubler les capacités de production d’ici à 2013-2014 pour les porter à 3 millions de voitures par an. Au total, VW prévoit d’investir 6 milliards d’euros en Chine en trois ans.

Des prix premium

Mais évidemment, cette stratégie ne serait rien sans l’image de marque de VW et la qualité perçue désormais atteinte par ses produits. Ces dernières années, les marques du groupe sont devenues le benchmark: «Prenez le segment des compactes (celui de la Golf), les autres marques rament loin derrière, fait remarquer Hans-Peter Wodniok de Fairesearch. Et la réponse qu’ils apportent est loin de convaincre, comme avec la Mégane de Renault ou la 308 de Peugeot.» Un positionnement qui permet à VW de développer sa politique de prix premium. Et de facto de renforcer son leadership.

Enfin, et c’est peut-être le facteur de différenciation ultime, VW a su développer des plateformes de production communes pour abaisser les coûts. Le groupe utilise ses lignes de production pour plusieurs modèles et non pour un seul, comme c’est souvent la pratique chez ses concurrents. Cette stratégie permet de partager des éléments non visibles tout en différenciant extérieurement les modèles. Les routières Audi A4 et VW Passat sont ainsi fabriquées sur une plateforme commune. Même organisation pour les compactes Audi A3, VW Golf, Seat Leon et Skoda-Octavia, ou encore pour les 4×4 VW Touareg et Porsche Cayenne. «Lorsque vous produisez 8 millions de véhicules par année, imaginez les prix que vous pouvez négocier avec les fournisseurs, souligne Christophe Laborde de Bordier & Cie. Ne pensez qu’aux achats d’acier.»

Tous ces facteurs mis bout à bout procurent à VW un avantage compétitif considérable. Ils devraient permettre au groupe de creuser l’écart avec les autres constructeurs et de se rapprocher bien vite de GM. Pour le dépasser peut-être même avant 2018…

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La Golf, valeur sûre de l’automobile

Alors que la nouvelle Golf, présentée en septembre, va arriver en concession, la version actuelle, bien qu’en fin de vie, domine toujours outrageusement le marché européen des compacts. Sur les six premiers mois de l’année, elle s’est écoulée à 240’000 unités, contre 170’000 pour sa dauphine, la Ford Fiesta.

Modèle statutaire de la marque Volkswagen, réputé notamment pour la qualité de ses finitions, la Golf évolue discrètement et se bonifie à chaque génération, en restant immédiatement identifiable. Des qualités très appréciées en Suisse, où Volkswagen devance la concurrence avec 13,5% de parts de marché.

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Une version de cet article est parue dans Swissquote Magazine.