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Du bon usage de la bombinette estivale

Comment continuer à exister politiquement en période de vacances? En lançant des polémiques. Exemples suisses, de la gauche à l’extrême droite en passant par Daniel Brelaz.

Pour continuer d’exister politiquement au coeur de l’été, rien de plus efficace que de dégainer les grands classiques. De redonner vie aux vieux serpents de mer qui se remettent si facilement à frétiller au bon soleil. On voit donc l’UDC s’en prendre au catalogue des soins remboursés, Daniel Brelaz promettre de nettoyer les rues lausannoises de ses dealers, et la gauche en remettre en couche contre les exportations d’armes.

L’avantage de ces bombinettes estivales est de faire un bruit disproportionné au sein d’une actualité creuse où le moindre pet de travers résonnera deux fois plus fort qu’à l’accoutumée. Et d’être vite oubliées dès que la bise sera revenue. D’autant plus vite — c’est une autre caractéristique de la polémique d’été — qu’il s’agit généralement de propositions à peu près irréalisables, ou pour le moins dénuées de tout avenir politique immédiat.

Comme réduire drastiquement la liste des prestations médicales remboursées, ainsi que l’UDC le souhaite dans une récente prise de positions. Outre la grippe, sont aussi visés «l’avortement, les fécondations assistées ou encore les prestations en rapport avec des alcooliques et des drogués». Des «abus» dont il faudrait aussi illico que presto purger l’assurance de base. Comme le dit le bon «docteur» Parmelin, «il faut responsabiliser les gens et concentrer les moyens financiers sur les cas sérieux». Nom de bleu.

Peut-être bien que rembourser de moins en moins de prestations pourrait permettre de diminuer les primes des assurés. Sauf que cette manière de procéder est politiquement inapplicable, voire suicidaire. Le peuple suisse est sans doute prêt à renoncer à beaucoup de choses, mais pas à une bonne couverture maladie. L’ogre Couchepin lui-même s’était cassé les dents à vouloir éjecter de l’assurance de base les médecines naturelles. Les lunettes des enfants n’ont pu être exclues du système de remboursement que le temps que Berset à la Santé succède à Burkhalter, qui en avait eu la lumineuse et aussitôt vilipendée idée.

Aucune de ces propositions estivales de l’UDC n’a donc la moindre chance de trouver un consensus politique et une approbation populaire. Du vent donc, rien que du vent, qu’une légère brise pour faire causer sur les terrasses.

Faut-il accorder plus de crédit aux menaces de l’inénarrable syndic de Lausanne contre les dealers qui lui pourrissent sa ville? Bouter ces gens hors des rues «d’ici 2014», cela ressemble surtout à une déclaration d’intention, pour ne pas dire un simple coup médiatique. Tant une scène de la drogue, à Lausanne comme ailleurs, cela s’avère changeant, mouvant, capable de s’adapter à toutes les législations, toutes les actions policières, et de se jouer des rodomontades politiciennes. D’où le scepticisme par exemple du député popiste Jean-Michel Dolivo: «Tous ceux qui ont voulu éradiquer la drogue ont rapidement déchanté. Les réponses ne sont jamais simples.»

Notons que le nouveau gouvernement Hollande s’est offert lui aussi sa petite bombinette d’été, avec la farouche détermination de sa porte-parole Najat Vallaud-Belkacem de supprimer la prostitution. En attendant sans doute, d’ici les prochaines vacances, les guerres, la faim dans le monde, le sida, et l’islamisme.

Même éphémère crachat dans l’azur avec la mauvaise humeur de la gauche contre les exportations d’armes. Il a suffit que des grenades estampillées made in Switzerland soient utilisées par les rebelles syriens pour que le bouillant conseiller national Carlo Sommaruga explose. Lui voudrait que nos marchands d’armes ne vendent plus leur camelote qu’à «des pays sûrs» et situés «loin de toute zone de conflits». Ce serait comme de limiter la vente de chasse-neige aux régions subsahariennes.

Là aussi, le peuple, à qui l’on a posé la question en 2009, a clairement répondu, à 69%: business et emplois d’abord. Rien ne bougera donc, d’autant que l’exemple syrien est plutôt mal choisi, comme le signale l’ex-inspecteur mais toujours rusé Yvan Perrin: «Pour ma part je serais assez fier que nos grenades aident à faire tomber Bachar el-Assad.»

Et tant pis — rien n’étant simple à Damas comme à Lausanne — si parmi ceux qui lancent de bonnes vieilles grenades suisses contre les milices du vilain dictateur, il y a aussi les petites mains d’Al-Qaïda.