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Six semaines de vacances? Aussi utopique que six éoliennes à Sainte-Croix

L’égoïsme vermoulu n’a pas eu raison des unes, le chantage à l’emploi essaiera d’avoir la peau des autres. En attendant, on peut toujours rêver.

Davantage de vacances et des sources d’énergies moins polluantes, qui n’en voudrait, qui n’en rêverait? A vrai dire et à ce qu’il semble: pas grand monde.

Prenons les éoliennes. C’est à l’arraché, on l’a vu, que l’intrépide population de Sainte-Croix a validé l’installation sur son territoire non pas de cinquante, non pas de vingt, non pas de dix, mais de six malheureuses grandes hélices. Un vote non seulement étriqué, mais partout considéré comme une véritable «surprise», divine ou mauvaise, suivant le bord où l’on se place.

Les Sainte-Crix, du coup, qui répondent également à l’offensif sobriquet de «Cirons», se voient félicités de partout pour leur inouï civisme et sens de l’intérêt commun. Comme si donc, désormais, il fallait faire preuve d’un accès quasi anormal de vertu pour dire oui à un poignée d‘éoliennes.

D’ailleurs, à Sainte-Croix, ne trouvait-on a pas au rang des opposants même Michel Bühler, oui, l’icône romande de la chanson protestataire, sur la brèche depuis au moins la nuit des temps? Mais ce coup-ci franchement du côté du café du commerce et de l’égoïsme petit-bourgeois. Car les éoliennes, les énergies renouvelables, il a toujours été pour, bien sûr, Bühler, mais, tout aussi évidemment, «pas à cet endroit». Autrement dit, pas chez lui.

Si donc même des personnalités engagées et de gauche manifestent face à l’éolien ce genre de réflexes vermoulus, on peut parier que l’avenir de cette énergie chez nous n’est pas franchement dégagé et que Sainte-Croix pourrait longtemps demeurer une vertueuse exception.

C’est un peu le même genre de pessimisme qui plane au-dessus de l’initiative prônant le passage à six semaines de vacances pour tous. Les opposants d’ailleurs — toute l’économie, toute la droite — commencent souvent leur argumentation par la fameuse question: six semaines de vacances, qui n’en voudrait, qui n’en rêverait? De la même manière, comme persiffle l’impitoyable ex-sondeuse Marie-Hélène Miauton dans Le Temps, que chacun serait sans doute à peu près d’accord «de mourir tard et en bonne santé».

Une fois donc cette puissante observation posée, il ne reste plus qu’à rappeler, l’air grave et préoccupé, que loin des bisounours et des sphères idéales, la réalité économique de notre pays s’avère à peu près aussi tragique qu’épouvantable. Tellement que les six semaines d’indécent farniente proposées par l’initiative ne pourraient, bien sûr, amener avec elles que chômage et délocalisations.

Autrement dit, les deux mamelles du chantage à l’emploi, que l’on voit ressortir à chaque votation visant une quelconque amélioration des conditions de travail. Qui dira le drame intime, la profonde douleur muette de ces patrons réduits à ne plus pouvoir dégager de bénéfices qu’à des tarifs horaire roumains ou chinois?

Qui sait, allez, tant qu’on y est, si ce rab de vacances n’irait pas aussi nous ramener la peste, le choléra et même les grandes famines? Le chantage à l’emploi, n’empêche, dans notre pays, fonctionne généralement plutôt bien et il n’est pas audacieux de penser que, désirées par tous, ces six semaines de vacances ne passeront pourtant pas la rampe du verdict populaire.

D’autant que les arguments de la gauche s’apparentent souvent, tels ceux du conseiller national Jean Christophe Schwaab dans «24 Heures», à une litanie souffreteuse, façon «J’ai la rate qui se dilate», plus proche de la pharmacopée de bonne femme que de l’analyse politique: «Stress au travail, douleurs musculaires ou au dos, maux de têtes, troubles du sommeil».

Si vraiment, les salariés sont en pareille souffrance, il faudrait plutôt penser à l’amélioration de leurs conditions quotidiennes de labeur, s’intéresser à leurs 47 ou 48 semaines de boulot plutôt qu’à leur cinq ou six de repos. Qu’en pense, à propos, Michel Bühler?