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Le principe de l’atome et du migrant

Les débats sur l’immigration et la sortie du nucléaire le montrent: plus on aime les centrales, moins on aime les étrangers. Un principe étrange mais qui semble bien ancré.

Ce n’est ni un secret ni une rumeur, juste un simple calcul; ce sont les femmes, les quatre femmes du Conseil fédéral qui ont pris la décision de mettre fin au nucléaire en Suisse. Même si, depuis, Doris Leuthard fait mine de mettre un peu d’uranium dans son vin.

Et alors, dira-t-on? L’atome n’a pas de sexe. La radioactivité et le cauchemar nucléaire n’effraient pas plus les femmes que les hommes. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à entendre en France la terrible Anne Lauvergeon, PDG d’Areva, madame Sans-Gêne devenue madame Centrale.

La peur brute de l’atome n’est évidemment pas une question de sexe, mais de tête et de coeur: plus on est à droite et curieusement moins on a peur. Le groupe complet de l’UDC au parlement est ainsi prêt à voter contre la décision du Conseil fédéral.

Les radicaux aussi, à une lourde, bien que pas tout à fait unanime, majorité — il sont quand même un tout petit peu moins à droite — et pour des raisons un peu différentes: ils veulent un moratoire plutôt qu’une sortie définitive.

Pourtant, cette impalpable et légère nuance sur l’atome entre les deux grandes composantes de la droite s’élargit bougrement si l’on aborde l’autre thème irradiant de la politique suisse: l’immigration. Au point même que ces derniers jours, UDC et radicaux ont été proches de s’accuser de démence mutuelle.

C’était à propos du lancement d’une nouvelle et énième initiative de l’UDC visant à limiter une immigration supposée devenue «illimitée et incontrôlable». Tellement, qu’elle serait la cause, cette satanée immigration, d’une série peu banale de calamités — transports surchargés, approvisionnement énergétique menacés, etc. Tout juste donc si ces irresponsables migrants ne seraient pas aussi la cause principale du réchauffement climatique.

Ainsi, aux yeux des UDC, tous ceux qui verraient le moindre avantage dans cette immigration débordante ne seraient pas loin d’avoir comme on dit un sérieux grain. La gauche d’abord, bien sûr, avec en tête la cheffe du Département de l’intérieur Simonetta Sommaruga qui n’est, comme chacun sait et comme le président de l’UDC Toni Brunner l’a élégamment répété, «qu’une séductrice qui n’a jusqu’ici produit que du vent».

D’ailleurs, les accords de Schengen, Dublin et compagnie, la libre circulation, tout ça, ne sont rien que des «projets mégalomanes par excellence». C’est le grand sachem Blocher cette fois en personne qui le dit. Face à tant de folies et d’incuries, ni une ni deux, l’UDC prône des contingents de migrants fixés annuellement en fonction des besoins de l’économie. Un système d’immigration à points, sur le modèle de l’Australie et du Canada, avec des conditions drastiques — trouver d’abord un emploi, prouver sa capacité d’intégration et de subvenir à ses propres besoins. Ce qui revient grosso modo à devoir prouver, pour immigrer en Suisse, que l’on est déjà quasiment suisse.

Le problème, c’est que face à de telles mesures, l’économie à son tour crie au fou, notamment 140 grands patrons, du genre Raymond J. Baer, président de la banque Julius Baer, ou encore Peter Gomez, président du Conseil d’administration de la Bourse suisse. Pas du fretin. Des gros poissons. Tous proches — nous y voilà — du Parti radical et qui parlent d’une «attaque irresponsable contre les bilatérales», de remise en question de centaines de milliers de places de travail, de pas le plus grave accompli par l’UDC dans son isolationnisme de principe.

Pour faire bonne mesure, le radical vaudois Charles Favre entonne même à propos des contingents, un couplet aux relents de compassion gauchisante: «Quelle image pour la Suisse! Au mépris de la dignité humaine. Quand on sait les cicatrices que le statut des saisonniers a laissé en Espagne ou en Italie.»

Alors? Alors c’est qu’ici entre frères de droite s’affrontent deux sous-idéologies brutales et contraires. La xénophobie de principe de l’UDC — et tant pis si le présupposé anti-étrangers nuit à l’économie — et le néolibéralisme tout aussi de principe des radicaux qui place la libre circulation des personnes au coeur du dispositif de la mondialisation à marche forcée. Et tant pis s’il s’agit d’un principe purement économique, qui se fiche bien des personnes: le mot qui compte ici, c’est bien circulation.