Des requérants entassés dans des bunkers, des enfants qu’on veut pourchasser dans les écoles… Joli travail pour un gouvernement qui accordait jadis sa protection aux guerriers de l’UCK et aux islamistes d’Alger.
Asile! Un joli mot, synonyme de protection, de refuge, mais où, comme le disait Gérard Philipe dans un beau film oublié, «l’on a fini par enfermer les fous».
Notre politique dite d’asile n’est pas loin d’entretenir la même double face. D’un côté des Nigérians entassés, contre toute prudence, sans parler d’humanité, dans des bunkers antiatomiques et qui néanmoins finissent par péter les plombs. Comme sans doute n’importe qui d’autre, n’importe lequel d’entre nous, à leur place.
De l’autre, un ancien requérant, devenu célèbre, ayant atteint les sommets du pouvoir, mais en proie aujourd’hui au plus odieux des soupçons. Hashim Thaçi, donc, premier ministre du Kosovo, et censément impliqué comme d’autres anciens dirigeants de l’UCK dans un trafic d’organes prélevés sur des prisonniers serbes. Une affaire mis en lumière récemment par le Suisse Dick Marty, du Conseil de l’Europe.
C’est ainsi que remontent à la surface «les années suisses» de Thaçi. On s’aperçoit alors, comme le rappelle Le Temps, que sa demande d’asile déposée en 1995 est acceptée l’année suivante. A la suite de quoi, et contre les exigences légales de son nouveau statut, Thaçi multiplie les voyages clandestins au Kosovo, ainsi que les activités militantes au plus haut niveau, au sein de l’UCK, sur fond de rumeurs de trafic d’armes et d’héroïne.
Cet octroi rapide de l’asile à celui qu’aujourd’hui, le député UDC Yves Nidegger, toujours aussi élégant, appelle «un Mengele local», contraste fâcheusement avec ces milliers de requêtes rejetées chaque année en raison de leurs motivations purement économiques. Comme si ce n’était pas là la meilleure, la plus normale, la plus juste, la plus humaine des motivations.
Le cas Thaçi pourrait ainsi faire regretter qu’à l’heure de la mondialisation évidente, on sanctionne le simple et pacifique désir de vivre et travailler dans un nouvel environnement sûr, et qu’on favorise au contraire les risques pris par des individus certes hors norme mais mus par des aspirations violentes et partisanes.
Thaçi et un certain nombre de dirigeants de l’ UCK et du Kosovo nouveau, ne sont pas les seuls à avoir bénéficier de la maternelle protection confédérale. On retrouve sous le même parapluie, dans les mêmes années, les islamistes algériens, accueillis à bras ouverts pour leur seul statut d’opposants au régime militaire d’Alger. Après les courbettes humanitaires devant un nationalisme sanglant, voire mafieux, bienvenu dans un asile de fous…de Dieu.
Pendant ce temps, aujourd’hui et pas si loin, les chrétiens d’Irak fuient en masse vers le Kurdistan, chassés de Bagdad par des pluies d’attentats, de menaces de morts et de pressions quotidiennes. Ceux qui parviennent à aller plus loin ne peuvent guère compter que sur la générosité de trois pays: les Etats-Unis, l’Australie et le Canada.
L’occasion pourrait être belle face à cette communauté de redonner un sens pas trop bancal ni biaisé à notre notion d’asile. Ajoutons-y les Coptes d’Egypte qui comptent leurs morts tombés à la Saint-Sylvestre sous la mitraille et la haine de l’intégrisme musulman.
Mais rien à attendre évidemment d’un Conseil fédéral sans âme et sans honneur, qui en est à vouloir pourchasser les enfants des sans-papiers dans les écoles. Pas sûr pourtant que les défenseurs habituels et à juste titre de ce droit d’asile, et de ceux qui le réclament, se montrent sur ce coup-là plus motivés.
Les milieux de gauche semblent en effet craindre d’avantage les pétoires rouillées de nos citoyens-soldats que les bombes d’Al-Qaida. Et rêver, en matière de summum humanitaire, plutôt à un petit navire fendant le flot, cap mis sur Gaza, aux ordres du Hamas. Les conseillers nationaux Zisyadis et Sommaruga, ainsi que le chanteur Michel Bühler, piaffent déjà d’embarquer. Vogue, dira-t-on cette fois, la nef des fous.