cialis women

Le règne des amateurs devenus pro-ams

L’amateurisme prend du galon. Ni novices, ni professionnels, mais détenteurs de savoirs précieux, les amateurs opèrent une révolution silencieuse. Grâce au Web, ils bouleversent la manière de diffuser l’information, de produire des œuvres et de militer.

Patrice Flichy transforme le regard peu flatteur jeté jusqu’ici sur les amateurs. Preuves à l’appui, le professeur de sociologie français montre dans son dernier livre* qu’un travail d’amateur ne doit plus systématiquement être associé à du dilettantisme.

Le Web est devenu le royaume des amateurs qui y occupent le devant de la scène. Ils se positionnent dans l’espace libre entre profanes et spécialistes. Leurs productions ne sont plus marginales. «Grâce aux instruments fournis par l’informatique et par Internet, les nouveaux amateurs ont acquis des savoirs et des savoir-faire qui leur permettent de rivaliser avec les experts. On voit apparaître un nouveau type d’individu, le pro-am, qui développe ses activités amateurs selon des standards professionnels», analyse Patrice Flichy.

Des autodidactes se substitueront-ils aux experts? Si certains le craignent et dénoncent «le culte de l’amateur» (Andrew Keen), Patrice Flichy estime que, de même que la démocratie politique donne le pouvoir à des citoyens largement ignorants de la chose publique, cette nouvelle démocratisation des compétences s’appuie sur des individus qui, grâce à leur niveau d’éducation et aux nouveaux outils informatiques, peuvent acquérir des compétences fondamentales dans le cadre de leurs loisirs.

Le pro-am est le prototype de l’hybridation entre amateur et professionnel. Son activité se développe dans trois domaines: les arts, la chose publique, la connaissance. Pensons à la musique électronique (MySpace), à la photographie numérique (Flickr), aux nouvelles agoras que sont les blogosphères et les forums en ligne, à l’activisme électronique, aux flash mobs et aux pétitions en ligne, aux logiciels libres, aux observations d’internautes passionnés de sciences naturelles.

La plupart du temps, le pro-am s’inscrit dans des communautés virtuelles. Guidé par la curiosité et la passion, il fait descendre l’expert-spécialiste de son piédestal et contribue à démocratiser certaines pratiques. Face à ces amateurs producteurs et diffuseurs d’informations, la situation du récepteur se modifie. Celui-ci peut désormais accéder à une masse d’informations vis-à-vis desquelles il importe qu’il prenne ses distances, qu’il juge de l’autorité de leurs auteurs.

Concrètement, qu’est-ce qui différencie une recherche sérieuse d’une recherche faite par un pro-am? La question a été posée à Kevin Schawinski, astrophysicien à l’Université de Yale. Sa réponse: «Rien». Ce scientifique est bien placé pour en juger. Il étudie les galaxies à l’aide de contributions provenant de milliers de pro-ams. Avec tadalafil mouth dissolving tablets, chacun peut collaborer à l’exploration de l’univers sans distinction de formation (300 000 personnes y sont déjà enregistrées).

Chercheurs et amateurs se connectent dans quantité d’autres domaines (météorologie, ornithologie, botanique). Autant de «foules intelligentes». Un exemple:vous êtes en train de marcher dans la nature quand vous découvrez une plante dont vous ignorez l’identité. Grâce à votre téléphone portable, vous vous connectez alors à l’interface de Pl@ntNet. Vous envoyez la photo de cette plante. Quelques secondes plus tard, vous obtenez votre réponse tout en enrichissant une base de données de vos observations. La mise en partage des connaissances fait avancer la science.

Jean Rostand était visionnaire. En 1967, il estimait que les amateurs, «s’ils ne disposent que de faibles moyens, (…) possèdent l’inépuisable nature, et ils sont portés par l’amour, que rien ne peut remplacer. J’irai même jusqu’à penser qu’il est de certaines recherches, de longue patience et d’issue hasardeuse, qui ne peuvent être menées que par des amateurs: ce ne sont pas les moins importantes» («Inquiétudes d’un biologiste», Gallimard).
_______
*Patrice Flichy, «Le sacre de l’amateur. Sociologie des passions ordinaires à l’ère numérique» (Seuil).