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L’Europe se donne un existence politique, enfin

L’affaire autrichienne sera déterminante pour l’avenir de l’Europe, tant dans le débat sur l’élargissement que dans la recomposition politique des grands pays de l’Union.

En une année, l’Union européenne aura prouvé sa vitalité en au moins deux occasions. Tout d’abord en mars 99, avec l’intervention armée en Yougoslavie qui a lancé concrètement le processus de création d’une Europe de la défense.

La question avait été posée par les pères fondateurs dès le début des années 1950. Mais le rejet en 1954 du projet de Communauté européenne de défense (CED) avait durablement enterré toute velléité d’autonomie militaire, les Etats-Unis profitant de l’occasion pour imposer leur propre tutelle par le truchement de l’OTAN.

Ces derniers mois, à deux reprises, au sommet d’Helsinki et par la décision de confier le maintien de l’ordre au Kosovo à un commandement européen, cette autonomie s’est encore affirmée. Elle est certes timide, mais enfin, pour la première fois dans l’histoire européenne, elle est palpable.

Aujourd’hui, en décrétant immédiatement des mesures plus que symboliques envers l’Autriche du tandem Schüssel/Haider, l’Union européenne commence aussi à se donner une existence politique en affirmant – pour la première fois dans le domaine purement politique – sa prééminence sur les gouvernements nationaux.

Ce qui est perçu par certains comme une ingérence inadmissible, voire un diktat, n’est autre que la simple affirmation d’une autorité supranationale qui se pose comme fédératrice en exprimant la volonté d’une majorité contre une minorité récalcitrante.

Cette affirmation manifeste l’existence d’une Europe politique bien décidée à développer un projet commun à l’immense majorité des membres, 14 sur 15 pour être précis. C’est dire si le 4 février 2000 restera inscrit dans la mémoire européenne.

Mais l’UE joue évidemment une partie difficile. Il en va même de sa survie politique. Car cette bataille, décisive pour son avenir, va entraîner des bouleversements dans de nombreux domaines.

Comment vont se passer les négociations pour l’élargissement de l’Union? La réponse dépend de l’issue de l’affaire autrichienne. Les futurs partenaires centreuropéens l’ont si bien compris qu’ils se cantonnent dans une réserve plus que prudente sur la question.

Mais cette bataille annonce surtout un séisme politique à l’intérieur même de l’Union. A gauche comme à droite, la recomposition politique dans les grands pays de l’UE ne peut que s’accélérer.

Dans ce contexte, la crise traversée par la CDU allemande peut servir de révélateur. Le chancelier Schröder n’a pas tort de craindre qu’une implosion de la CDU de Kohl et Schäuble ne provoque une «haidérisation» de la République fédérale.

Mais Schröder sait aussi que ce phénomène ne laisserait pas intact son propre parti. En ce domaine, l’expérience italienne où la droite et la gauche sont en recomposition depuis dix ans est particulièrement éloquent.

A la mi-janvier, face à l’échéance d’élections régionales convoquées pour avril, Berlusconi, leader de Forza Italia et Umberto Bossi, le dirigeant léguiste, se sont spectaculairement réconciliés après s’être insultés pendant de longues années. Il se trouve que ce sont ces deux partis qui gouvernent la région Frioul-Vénétie-Julienne, voisine de la Carinthie, dont les autorités se réjouissent de l’accession au pouvoir du FPÖ de Haider.

Bossi s’était singularisé par son soutien à Milosevic au moment de l’intervention de l’OTAN en Yougoslavie. Or ce souverainisme de droite rejoint de larges secteurs souverainistes de gauche dont nous connaissons bien les contours. En Suisse, on y trouve l’extrême-gauche et une partie des Verts et (comme en France) certaines franges du parti socialiste.

Pour que l’Europe politique avance, ses promoteurs ne peuvent plus tergiverser: à gauche comme à droite, ils devront contraindre leurs souverainistes à sortir du bois.

Mais une chose est certaine: ce débat ne concernera pas la Suisse. La crise autrichienne ne peut que servir de repoussoir dans un pays aussi proche de l’Autriche que le nôtre.

En déposant début février leur 70000 signatures pour convoquer un référendum sur les accords bilatéraux, les dirigeants de la Lega dei Ticinesi et des Démocrates suisses avaient le sourire. On les comprend: leur référendum a désormais de fortes chances de succès. Quant à l’adhésion à l’UE, elle s’éloigne d’autant.

Nous aurions pu éviter d’être le Monaco de l’Europe, c’est encore raté. Jeunes Suisses qui rêvez d’être un jour Européens, ce n’est pas en restant au pays que vous le deviendrez!