Dans les clubs, la disparition de la fumée laisse la place à de fortes odeurs de sueur. Un créneau pour des entreprises comme Air Creative, qui commercialisent des diffuseurs de parfums. Explications.
La disparition de la fumée dans les lieux publics a une conséquence inattendue. L’odeur de transpiration n’est plus couverte par celle du tabac. «Nous avons anticipé l’interdiction de fumer en installant une cinquantaine d’appareils dans notre salle», explique Igor Blaska, le directeur du Mad, célèbre club lausannois. «En France, des boîtes de nuits avaient connu de gros problèmes, nos mesures ont permis de les éviter. On ne voulait pas d’odeur, pas de diffusion de parfum.»
Des appareils? Une cinquantaines d’«ionisateurs» qui détruiraient les bactéries nauséabondes avec un résultat satisfaisant. «Nous n’avons enregistré aucune remarque négative, se félicite le gérant; l’entretien du matériel se résume à un coup d’aspirateur par semaine pour dépoussiérer les filtres et un changement d’ampoules tous les trois à quatre ans.»
Si l’on ne doit pas se boucher le nez en dansant au Mad, dans d’autres salles qui n’ont pas encore investi dans la lutte contre les odeurs corporelles, les effluves peuvent s’avérer très désagréables.
Avant, ça sentait la cigarette, maintenant ça sent la transpiration; si la fumée tue, la transpiration pue. Un désagrément qui ne disparaîtra pas avec une «interdiction de transpirer» dans les lieux publics ou l’obligation d’appliquer un déodorant à l’entrée des clubs. Pour l’heure, la solution est donc entre les mains d’entreprises qui prétendent l’éliminer grâce à des purificateurs et ionisateurs d’air ou des diffuseurs de parfums d’ambiance.
Parmi celles-ci, Air Creative (située à Wangen an der Aare dans les anciens locaux de Nabholz) vient de connaître une année de rêve avec l’entrée en vigueur de la loi sur l’interdiction de fumer. Beat Grossenbacher, son CEO, est persuadé que l’odeur d’un lieu est sa carte de visite. Si, à deux heures du matin, vous dansez entouré d’une foule en nage sans être importuné par des émanations fétides, il y a de fortes chances que vous le deviez à l’un de ses produits.
Les clubs, mais aussi les grandes surfaces et les hôpitaux, recourent à cette forme de marketing olfactif. L’entreprise des bords de l’Aar n’utilise que des produits naturels. «Pas de chimie ou de composés synthétiques chez nous», rassure son propriétaire. Il commercialise 90 parfums différents, avec des valeurs sûres — sauge, menthe, muscat, bergamote ou résine — qui se combinent. Rien de vraiment révolutionnaire. Depuis des lustres, on retrouve dans les traités de phytothérapie des recettes destinées à traiter la transpiration excessive. Noyer, sauge et tussilage y sont régulièrement mentionnés. Rien de tel qu’une rondelle de citron appliquée sous les aisselles… .
Le manque d’hygiène des clubbers doit-il être montré du doigt? Les publicités pour les produits qui stoppent la transpiration (dont le sel d’aluminium peut être dangereux, mais nous n’entrerons pas ici dans ce débat) ou pour les déodorants qui en couvrent l’odeur tentent de nous le faire croire. Ainsi la dernière pub de «Axe» tourne en dérision les hommes en établissant un parallèle entre éjaculation précoce et transpiration précoce.
Les marchands de textiles prétendent avoir découvert une recette miracle pour créer des t-shirts qui absorbent et neutralisent les sécrétions malodorantes. Une descente en fin de journée dans une cabine bondée d’un téléphérique permet de mesurer le fossé entre discours et réalité. Même recouvert de tels vêtements, soigneusement lavé et «déodorisé», le corps finit tôt ou tard par dégager des senteurs. Les jeux de séduction ne passent-ils pas par là? L’an dernier, une étude montrait que l’odeur de la sueur de l’homme varie selon l’humeur dans laquelle il se trouve et que le cerveau de la femme peut ainsi savoir s’il est attiré par elle.
La température corporelle est régulée pour se maintenir à 37.2°C. Or, si la chaleur ambiante augmente ou si nous pratiquons une activité physique, la température corporelle va s’élever. Pour la rétablir, l’organisme évacue ce surplus de chaleur en évaporant de l’eau sous forme de transpiration.
La transpiration est très individuelle, donc inégalitaire. A l’effort, elle est modulée par sa durée et son intensité, la température extérieure, l’humidité de l’air, de l’état d’hydratation, de l’âge, du poids, de l’état d’entraînement, du type de peau voire de l’état mental. Les humains ne sont pas égaux face à la transpiration! Sans trop savoir pourquoi, on appartient à ceux qui transpirent beaucoup ou peu. Certains souffrent même d’une réelle pathologie, l’hyperhidrose (HH) ou transpiration excessive.
On a pu observer que, dès que la transpiration conduit à une déshydratation qui dépasse 5% du poids corporel, cela entraîne une réduction de près de 30% des capacités physiques, d’où des consignes de prévention pour l’éviter. Boire suffisamment durant l’effort. Non pas de la simple eau mais des boissons énergétiques qui permettraient de compenser sans délai les conséquences physiologiques de notre transpiration. Un autre marché très juteux…
Mais la transpiration n’aiguise pas le seul appétit lucratif, elle titille aussi la curiosité des scientifiques. La composition de notre sueur dévoile tant de choses. Etat hormonal, émotionnel, taux d’alcoolémie, glycémie, alimentation, substances dopantes et état de santé s’y inscrivent. Un champ de recherche sans limite.