Originellement voué au convoyage de marchandises, le container est sorti de son ghetto pour servir de lieu de vie. Architectes, artistes, commerçants, tout le monde s’entiche de la boîte métallique, pratique et tendance.
Le village a été construit en un temps record. Deux mois seulement pour permettre de loger 114 requérants d’asile dans le quartier de Leutschenbach à Zurich. Le 2 juillet dernier, le conseiller communal, Martin Vollenwyder s’en est réjouit lors de l’inauguration non de baraquements tristes mais d’un lotissement très coloré, composé uniquement de containers.
Le directeur d’«Asyl-Organisation Zürich» (AOZ) a un autre sujet d’étonnement et de satisfaction. Aucune protestation émanant des voisins n’a été enregistrée. Ces modules se révèlent plus rassurants que les divers bâtiments qui abritaient jusqu’ici les nouveaux venus en Suisse. En août, c’est à Altstetten qu’un autre village de containers sera inauguré pour 140 personnes.
En Suisse romande, pour soulager la surpopulation carcérale de Champ-Dollon, Isabel Rochat, la conseillère d’Etat genevoise a une solution: des cellules-containers. Le canton de Zoug en a déjà fait usage de manière transitoire de 2000 à 2003 lors de la construction de sa nouvelle prison. Alors, pourquoi pas?
Une seconde vie sur terre ferme attend les containers destinés initialement au transport des marchandises sur les bateaux. C’est qu’ils sont extrêmement pratiques, car empilables et mobiles, avec un volume standard qui se prête bien à l’habitat.
Leur «recyclage» a débuté en Hollande, en 2006, où des artistes ont aménagé en ateliers des anciens containers. Puis c’est Freitag, la marque de sacs en bâches de camions, qui illustrait sa logique de la récup en s’installant dans une colonne de 17 containers, soit 26 mètres de haut. L’impulsion pour un usage commercial était donnée. Durant la Coupe du monde de football, Puma a même installé son magasin dans des containers rouges au coeur de Manhattan. Un excellent moyen d’attirer l’attention au pied des gratte-ciel.
Les artistes affectionnent tout particulièrement ces récipients. A Royan, un projet insolite a démarré ce printemps. Quatre artistes d’univers variés ont investi des containers de transport maritime implantés dans différents lieux. Chacun doit concevoir et créer une oeuvre originale qui utilise l’espace et la spécificité des containers mis à disposition.
A Séoul, le nouveau centre d’art Platoon est un assemblage de 28 containers. Toujours en Corée du Sud, c’est une école d’art qui sera construite cette année à partir de huit containers. La maquette semble plutôt convaincante!
Grâce à des offres alléchantes, les particuliers ne boudent pas ces constructions. Avec des containers en fin de vie commerciale, l’architecte Adam Kalkin a ainsi créé la maison en container Push Button qui, en 90 secondes, transforme un container maritime en maison de 5 pièces. On est bien loin de la caisse rouillée dans laquelle vivait le héros de «L’homme sans passé», le film du cinéaste finlandais Aki Kaurismäki!
Qu’ils apprécient ou non, des milliers d’étudiants, d’Amsterdam à Londres en passant par le Havre, vivent d’ailleurs dans des studios-containers. Une solution souvent présentée comme transitoire au problème de logement.
«Cargotecture»
Un volumineux atlas répertorie déjà les multiples oeuvres architecturales réalisées à partir de tels modules en quelques années seulement. Aux Etats-Unis, on parle de «cargotecture» pour nommer cette architecture «eco-friendly» qui utilise des containers devenus surnuméraires suite à la crise qui a frappé entre autres le commerce maritime avec l’Asie. «Plutôt que d’abattre des arbres, utilisons les containers en rade dans les ports», suggère-t-on dans les milieux soucieux d’un développement durable.
La société China International Marine Containers (CIMC) détient la moitié du marché mondial avec plus d’un million de containers produits chaque année. En Chine, les containers sont la solution trouvée à la fièvre immobilière. Lorsque l’Etat exproprie à tour de bras, à Shenzhen par exemple, pour offrir ses terres aux promoteurs immobiliers les plus offrants et que ceux-ci vendent des appartements en centre-ville à 4900 euros le mètre-carré, il reste une solution radicale pour héberger les familles: le container, à 6 yuans la nuit.
En 1956, le transporteur routier américain Malcolm McLean trouvait que le transbordement en vrac des marchandise était trop lent. Pour y remédier, il a inventé le principe du container. Une idée qui franchira l’Atlantique dès 1966 et connaîtra un succès planétaire fulgurant. Il ne se doutait pas alors de l’usage détourné qui allait être fait de son invention. Un demi siècle plus tard, une partie de ces parallélépipèdes destinés à des marchandises en déplacement s’est immobilisée et héberge des humains.
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A lire: «The Box», le livre de Marc Levinson qui raconte l’histoire du container.