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Esprit de finesse et secret bancaire

Les solutions proposées par les partis pour sortir de la crise déclenchée par UBS font peur à voir: abolir purement le secret bancaire, l’inscrire au contraire dans la constitution, ou ne rien faire du tout. Des voies également suicidaires.

Il faudra du muscle. Et beaucoup de finesse diplomatique. Pour tenter, si c’est encore possible, de sauver ce qui reste du secret bancaire. Le cas de l’UBS prise la main dans le sac par une administration américaine désormais sans pitié – on n’est plus loin de regretter le joli temps du bien aimable George Bush – risque de faire tache. De miner la confiance déjà bien entamée d’une clientèle qui a déjà vu l’administration Merkel prendre à la gorge les banquiers de Vaduz. Qui sent aussi, comme l’écrit la journaliste Myret Zaki, auteur d’un livre pénétrant sur l’UBS, que «jamais les Etats n’ont été aussi forts face aux banques, eux qui ont déboursé, de part et d’autre de l’Atlantique, plus de 7000 milliards de dollars pour les tirer de la crise financière, et qui ont maintenant cruellement besoin des milliards évadés du fisc». Le G20 a d’ailleurs déjà promis, par la voix désagréablement menaçante d’un Nicolas Sarkozy jamais aussi motivé que lorsqu’il s’agit de donner des leçons à qui est à terre, qu’il y aurait du sang sur les murs des banques.

«Grâce» aux malheurs de l’UBS on découvre, ou feint de découvrir, des chiffres proprement effarants qui donnent soudain une idée concrète de ce que représente ce fameux secret bancaire. 1100 milliards, voilà à peu près le montant d’avoirs étrangers gérés par la place financière suisse. La Bundesbank affirme ainsi que 28% des 750 milliards d’avoirs allemands non déclarés dorment en Suisse. L’UBS à elle seule détiendrait 150 milliards d’argent non déclaré.

A cet égard il est assez comique d’entendre le banquier Ivan Pictet affirmer que les attaques contre le secret bancaire «sont une violation de l’Etat de droit qu’est la Suisse». L’Etat de droit au service de la fraude, fut-elle fiscale, il y a là plus qu’une incohérence: une hypocrisie de pacotille. Avant pourtant de rendre les armes, de jouer les chevaliers blancs, ou plutôt les vengeurs rouges, il convient de considérer d’autres chiffres. La Suisse ferait certes joujou avec 31% du marché gris de l’argent. Mais contre 16% à l’Angleterre et 26% aux Etats-Unis et Caraïbes. Il ne suffit plus de se lamenter que ce sont justement les principaux rivaux de la place financière suisse qui passent à l’attaque. Les accusateurs ayant eux mêmes les mains sales, la Confédération se retrouve avec quelques bonnes cartes pour négocier. Aménager. Dealer en un mot.

Ce qui est en jeu, en effet, c’est bien plus que la moralité des établissements financiers battant pavillon suisse, bien plus que de grandiloquents principes de droit. Sur ce coup-là, on peut croire un Ivan Pictet calculant que, sans le secret bancaire, «la place financière pourrait rétrécir d’une proportion qui pourrait aller jusqu’à près de la moitié de sa taille. Le secteur financier, au lieu de représenter environ 12% du PIB, n’en représenterait alors peut-être que 6 à 7%». On imagine les dégâts collatéraux pour toute l’économie suisse.

Or jusqu’ici les autorités suisses ont singulièrement manqué de cet esprit de finesse qui fait les bonnes négociations. Pour ce que l’on sait, les pressions américaines datent de plusieurs mois et le Conseil fédéral, Hans-Rudolf Merz en tête, l’a joué à la retirette, choisissant, plutôt que la voie politique directe, une voie judiciaire, lente, procédurière, interprétée par les américains comme une volonté délibérée de noyer le poisson. Avec comme résultat de devoir finalement livrer en catastrophe 250 noms de fraudeurs quand la pression est devenu trop forte puis, en prime, une surenchère américaine dans les dents.

Du côté des partis ce n’est pas mieux. Chacun tire à vue, laissant parler l’instinct et l’idéologie plutôt que la glaciale raison politique. Le PS est dans son rôle catéchistique en affirmant que la seule voie envisageable est d’abolir purement et simplement le secret bancaire. Sans même envisager une seconde, bien cabré sur ses saints et vieux principes, les conséquences pour la population suisse. L’UDC au contraire veut faire inscrire le secret bancaire dans la Constitution, ce qui représenterait une pure provocation contre l’Union européenne et les Etats-Unis. Deux voies donc également suicidaires.

Les radicaux, eux, proposent tout simplement de ne rien faire, avec le laconique «ce qui s’est passé s’est passé» de leur président Fulvio Pelli. Le PDC imagine plus intelligemment de «négocier avec les Etats-Unis» mais sans suite dans les idées puisqu’il ne s’agirait, une fois passé l’orage, que de s’arc-bouter à nouveau sur le secret bancaire. Le président des Verts, Ueli Leuenberger, partisan d’une task force, ce qui n’a rien d’idiot, s’acharne sur le ministre des finances: «M. Merz doit se secouer immédiatement. Ce n’est pas un simple orage, mais une véritable tempête qui s’abat sur la Suisse. S’en rend-il compte?» A quoi Fulvio Pelli, contre toute évidence, vole au secours de son ministre: «Il a su gérer la crise UBS avec son efficacité tranquille.»

Peu importe au fond Hans-Rudolf Merz. Ce qui est sûr c’est que le temps de la tranquillité, même sous prétexte d’efficacité, est terminé pour tout le monde. Le danger serait maintenant d’opter pour une intranquillité qui n’aurait comme moteur que l’émotion, la soif de vengeance ou une moralité creuse. Le plus sûr moyen de perdre tous les bras de fer qui attendent la Suisse face l’Union européenne, les Etats-Unis et bientôt, pourquoi pas, le reste du monde.