TECHNOPHILE

ADSL: premier pas vers la baisse des prix

Dans les zones dégroupées, l’opérateur romand VTX lance cette semaine une offre à 34 francs au lieu de 47 francs par mois. Swisscom anticipe une baisse de 30% des tarifs dans le courant de l’année.

Les Suisses attendaient beaucoup de la libéralisation du marché des connexions à haut débit sur les lignes téléphoniques, effective depuis avril 2007. Ils espéraient surtout des baisses de prix spectaculaires, semblables à ce qu’ils avaient connu lors de l’ouverture du marché des communications vocales en 1998: après quelques mois, certains tarifs avaient alors baissé de 70%.

Près d’une année plus tard, il faut bien avouer que l’ouverture du marché a fait flop: presque aucun opérateur ne propose de services dégroupés. Le dossier s’est embourbé dans les plaintes déposées auprès de la Commission fédérale de la communication (lire ci-dessous) et la majorité des opérateurs privés préfèrent attendre avant de se lancer. «Nous développons notre infrastructure mais nous ne prévoyons pas de lancement avant la deuxième partie de l’année, peut-être même plus tard, dit Gottardo Pestalozzi, porte-parole de Sunrise. Le processus d’ouverture du marché est ralenti par la résistance de Swisscom.»

Des acteurs plus petits, dont l’opérateur romand VTX, entrent cependant dans la bataille. «Nous voulons jouer un rôle de pionnier en matière de dégroupage et proposer l’ADSL le moins cher du marché avant tout le monde, explique Philippe Roditi, cofondateur de l’entreprise basée à Pully. Nous anticipons des décisions judiciaires rétroactives et, de toute façon, une baisse générale des tarifs.»

Du coup, VTX annonce cette semaine une offre dégroupée à 34 francs par mois pour un débit supérieur (5000 kbps) aux lignes facturées 47 francs jusque ici (3500 kbps). «Ce service inclut par ailleurs la téléphonie par Internet (VoIP) qui permet des communications plus avantageuses que le téléphone classique», poursuit Philippe Roditi.

Le dégroupage signifie que l’opérateur privé doit installer son matériel dans les centraux Swisscom de quartier (il y en a environ 1000 en Suisse) afin de relier les lignes téléphoniques existantes à son propre réseau. «Nous aurons équipé 120 centraux d’ici la fin de l’année, estime le patron de VTX. Nous nous concentrons sur les villes. Fin 2009, nous couvrirons 80% de la population.»

L’opérateur romand, qui emploie 200 collaborateurs, avait déjà ouvert les feux en fin d’année dernière avec une offre ciblant les gros consommateurs d’Internet à domicile et les PME: une ligne à 20 Mbps pour 67 francs par mois. «Nous sentons que la demande est forte car nous avons acquis 500 clients en quelques semaines. Mais les prix sont encore trop élevés en comparaison internationale: Swisscom facture 33 francs par mois pour la location de son raccordement, contre 15 francs en moyenne européenne. Le potentiel de baisse est donc très important.»

Chez Swisscom, on partage ce dernier avis, mais pas pour les mêmes raisons. «La concurrence fera baisser les prix comme le montre la démarche de VTX, dit Carsten Roetz, porte-parole de l’opérateur national. Nous allons d’ailleurs suivre le mouvement puisque nous prévoyons une diminution des prix d’environ 30% dans le marché cette année, cela notamment grâce à des offres qui regroupent le téléphone et l’accès à internet.»

Swisscom se défend d’appliquer des tarifs trop élevés et vient d’annoncer fin janvier une baisse des prix de gros pour la revente de son service large bande: «Nos concurrents disent toujours que nous leur facturons trop cher la location de notre réseau, et ils continueront à le faire, c’est la règle du jeu. En matière d’ADSL, la Suisse figure dans le tiers des pays les moins chers du monde, si l’on tient compte du pouvoir d’achat.» Un comparatif entre pays industrialisés serait certainement plus cohérent. Les usagers romands regardent par exemple avec envie leurs voisins français qui, pour un prix équivalent, bénéficient du fameux «triple-play»: télévision, internet à très haut débit (20 Mbps) et téléphonie. Pour l’instant, en Suisse, il faut passer par le câble pour bénéficier du «triple-play»: chez Cablecom, l’accès à Internet coûte 45 francs, auxquels il faut ajouter 20 francs pour le téléphone et 6 francs pour la TV numérique.

«Nous sommes toujours plus rapide et moins chers que Swisscom, résume Claude Hildenbrand, porte-parole de Cablecom. Nous continuerons de baisser nos prix en fonction de l’évolution du marché.» Le câblo-opérateur compte 450’000 clients à son service Internet, dont 250’000 utilisent aussi la téléphonie. Pour rivaliser sur tous les plans, les opérateurs téléphoniques veulent aussi proposer la télévision. VTX proposera par exemple un bouquet d’une centaine de chaînes pour la fin de l’année.

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Deux procédures en cours contre Swisscom

Après l’annonce d’un tarif de 33 francs pour la location de ses raccordements (lire notre article à l’époque), l’opérateur national a déclenché la colère, et une avalanche de plaintes, de ses concurrents. Le raccordement au téléphone étant facturé 25 francs aux particuliers, les privés estiment injuste de devoir payer plus. «Le prix des raccordements a été fixé par le Conseil fédéral alors que nous avons calculé celui de la location à nos concurrents selon le système LRIC exigé par la ComCom», se défend le porte-parole de Swisscom Carsten Roetz.

Le calcul LRIC simule combien coûterait à un opérateur l’installation et l’entretien d’un réseau téléphonique national s’il devait le fabriquer lui-même au lieu de le louer à Swisscom. Le montant dépend de nombreux paramètres ajustables comme par exemple le nombre d’années pour amortir l’installation, un facteur déterminant. Les privés souhaitent que l’on se base aussi sur les tarifs pratiqués dans les pays voisins. La ComCom devrait trancher sur ce dossier avant l’été. Sunrise a par ailleurs entamé en automne dernier une deuxième procédure contre Swisscom, cette fois pour mettre en cause les prix de vente du transfert de données entre les réseaux (bitstream).