LATITUDES

La starbucksisation de la planète passe par la France et la Suisse

Le géant américan de la caféine poursuit son expansion. What else? Il pourrait bien croiser le chemin de George Clooney et de Nespresso.

Quand Starbucks a commencé à s’intéresser au marché européen, de nombreux observateurs sont restés sceptiques. Le roi américain du café leur paraissait incompatible avec les traditions européennes. Comment faire accepter ses méthodes de marketing industriel à des consommateurs français habitués au petit noir qu’on savoure au coin du bar?

Sept ans plus tard, Starbucks compte une quarantaine de points de vente à Paris, tous dans des emplacements de choix aux loyers exorbitants. Et dès cette semaine (le 30 novembre), il sera installé au cœur de la capitale des Gaules, à Lyon, rue de la République, à deux pas de l’opéra.

Sur le boulevard Saint-Germain, le Starbucks Odéon ne désemplit pas de la journée. Un gobelet de carton recyclé rempli de café ou de chocolat aromatisé, ça se mérite. Les clients font la queue. «Pourquoi avez-vous choisi ce lieu?»

Patrick ne comprend pas ma question formulée en français. Il est américain et retrouve ici «des goûts de chez lui». Lucie, accompagnée de son bébé, apprécie de ne pas avoir à «subir la fumée des bistrots parisiens». Adrien y vient par gourmandise, «la tranche de cake aux carottes, certes pas gratuite, est tellement moelleuse…»

L’enseigne perd encore de l’argent en France, mais la direction ne s’en soucie pas. «C’est un investissement de long terme, nous sommes très satisfaits de l’acceptation de la marque par les consommateurs et des résultats. Chaque magasin sera rentable à plus ou moins long terme», explique le président de Starbucks pour l’Europe, Cliff Burrows.

«Les Américains occupent le terrain d’abord, et comptent après», commente Bernard Boutboul du cabinet de conseil Gira, spécialisé dans la restauration.

C’est en Suisse que l’invasion européenne du dealer de caféine a débuté. Plus précisément en mars 2001, à Zurich. Cette première offensive s’expliquait. Avec huit kilos de café, soit 1143 tasses annuelles par personne, les Suisses occupent la tête du classement mondial, juste après les Finlandais (11 kilos). De plus, le prix du café y est parmi les plus élevés. Des données qui en faisaient un marché-test idéal.

Six ans plus tard, la Suisse compte environ 35 établissements. Un peu partout, la starbucksisation de la planète va bon train. Avec 40 millions de boissons vendues par semaine dans près de 15 000 établissements implantés dans 43 pays, Starbucks est devenu le McDo du café.

En achetant au prix fort la production du Guatemala, le groupe a permis à ce pays de surmonter la crise liée à la concurrence sauvage du Brésil et du Vietnam. Porter secours aux planteurs guatémaltèques: une politique soucieuse d’éthique qui lui a valu bien des éloges.

N’empêche que l’entreprise a bu la tasse en 2007. Son action a chuté de 35% depuis janvier. Le consommateur américain, pas en grande forme en raison de la crise du marché immobilier, aurait-il décidé de supprimer son café haut de gamme? Le nombre de visiteurs dans les Starbucks américains a reculé de 1% au quatrième trimestre. Autres explications: l’offensive de McDonald’s, qui est venu jouer dans sa cour, et le prix du lait qui a presque doublé en un an.

Un nouvel obstacle se profile sur la route de Starbucks: George Clooney. Le bel acteur parviendra-t-il à faire succomber l’Amérique aux charmes de Nespresso?

Nestlé songe en effet à partir à la conquête du marché américain en y ouvrant des cafés-boutiques.

Nicholas Parry Jones, de Altanes Investments LLc à New York, doute des chances de réussite du groupe veveysan sur le marché américain. «Nespresso a beau être un concept très fort. Starbucks est extrêmement pratique. La route sera dure pour Nestlé.»

Un duel Starbucks-Nespresso, voilà du gros grain en perspective. Starbucks voudrait-il prendre les devants ? Pour la première fois dans son histoire, le groupe a lancé, le 19 novembre dernier, une campagne publicitaire à la TV.