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La rude existence du parlementaire fédéral

Ils n’ont jamais été si nombreux à rêver d’un strapontin sous la coupole. Il faut dire que la fonction ne se résume pas à un pur apostolat. Parlons argent.

Parlementaire fédéral, beau métier. Ils sont d’ailleurs 3089, dont 1087 femmes, ces temps-ci, à vouloir le devenir, le redevenir où continuer à l’être. Un record.

Ceux qui sont dans la place affirment pourtant qu’il s’agit d’un véritable apostolat, d’un quasi don de leur corps et de leur âme à la nation.

Et tout ça pour des clopinettes. «Si c’était l’argent qui m’intéressait, j’aurais poursuivi ma carrière plutôt que de me lancer dans la politique», confie ainsi le socialiste fribourgeois Alain Berset, qui avoue 85’000 francs de revenus pour 2000 heures annuelles passées dans la mine fédérale. Soit l’équivalent d’un plein temps pour lequel dans le privé, évidemment, ce docteur en science économique pourrait espérer beaucoup plus. Et encore: on ne compte pas les pas perdus.

Même mélancolie chez radical neuchâtelois Didier Burkhalter — encore un économiste que la passion de la politique a transformé en quasi mendiant volontaire, lui qui raconte que ce job «n’est pas du tout bien payé» et doit donc «se faire sur la base d’un idéal».

Siéger sous la coupole, ce n’est certes pas tout à fait la misère noire, mais cela tendrait à s’en rapprocher: «On peut en vivre, mais pas faire fortune». Ce qui n’est pas non plus vraiment le but.

Et puis parlementaire, c’est une histoire à prendre des coups pour rien. A se retrouver sans l’avoir demandé dans la rubrique des faits divers.

Stans, 4 heures du matin, pas plus tard que mardi dernier: la boîte aux lettres du conseiller national Edi Engelberger, radical nidwaldien tout à fait inoffensif, a explosé. Comme celles de l’ancienne parlementaire Judith Stamm ou du conseiller d’Etat uranais Joseph Dittli. Pour cause d’implication dans la dernière fête du Grütli.

Et que dire des effets boomerang? Voilà donc ce pauvre Oskar Freysinger, si fier de l’affiche de son UDC valaisanne montrant des musulmans en prière, postérieurs au vent, pour illustrer cette délicate injonction «Utilisez vos têtes», lui-même sévèrement moqué dans l’organe radical «Le Confédéré», sa trombine voisinant celle d’Hitler sous cette rude affirmation: «Autrichiens merci on a déjà donné». Ulcéré, le bon Oskar, laminé dans son honneur et menaçant de faire parler la poudre judiciaire.

Oui, parlementaire rude métier. Sauf que, parlement de milice oblige, la plupart des conseillers nationaux et aux Etat, souvent de profession libérale, genre avocats ou consultants, continuent d’exercer une activité professionnelle parallèle. Et que donc leur engament politique leur apporte surtout un appréciable complément de salaire.

Sauf, aussi, que la plupart également — plus de 70% — se retrouvent bombardés membres de conseils d’administration aussi divers que sympathiques, pouvant rapporter gros: plusieurs centaines de milliers de francs dans le meilleur des cas, 40’000 en moyenne.

On imagine la sourcilleuse indépendance qui en découle, renforcée encore par les fameuses enveloppes généreusement, ouvertement distribuées, comme par exemple le Groupe Mutuel en a l’habitude.

On se demande d’ailleurs où les valeureux élus trouvent encore le temps de siéger tout en grappillant à gauche et à droite. Cadences infernales assurées.

A tel point que l’un d’entre eux, le PDC Maurice Chevrier, a déposé, sans succès, une initiative demandant que le mandat de député passe de 4 à 5 ans, au motif que «le travail parlementaire, de par la nature même des dossiers et de par la cadence imposée, s’est considérablement compliqué durant ces dernières années.»

En plus, figurez-vous, tout juste élu, le temps de dire ouf et il y a déjà des campagnes à mener, un peuple à flatter. Bref, on ne s’en sort plus: «L’apprentissage du métier, puis l’imminence des échéances électorales empêchent une approche cartésienne dépourvue de réflexes électoralistes, situation dommageable à une véritable efficience parlementaire».

Oui rude, très rude métier. Sauf que, une des toutes premières grandes décisions que les nouveaux élus auront à prendre, à peine posés sur leurs strapontins bernois, sera de s’octroyer ou non à eux-mêmes une augmentation, un rab d’indemnités. On imagine les torturants dilemmes.