La nationalité fait désormais l’objet d’un marché où les athlètes sont particulièrement convoités. La patineuse Tanith Belbin en sait quelque chose.
Guillermo Martinez est mort en début d’année, tué par une balle dans le dos. Il avait 18 ans, était Mexicain et rêvait d’une vie meilleure. Il tentait de franchir la frontière à Tijuana.
Quelques jours plus tôt, le 30 décembre, la patineuse canadienne Tanith Belbin obtenait une naturalisation express de la part de George W. Bush pour aller concourir sous la bannière américaine aux Jeux olympiques de Turin.
Pour obtenir un passeport, les athlètes de haut niveau n’ont pas à remplir les critères d’intégration exigés du commun des mortels. La fierté nationale rend peu regardant sur les origines des champions. A l’ère de la globalisation, on assiste à un vaste marché mondial des passeports de sportifs.
«Dans ce marché, les pays riches et puissants peuvent s’attacher les services de champions de premier plan, venus de pays plus pauvres ou plus faibles. A l’inverse, des champions de second plan, venus de pays riches ou puissants, peuvent vendre leurs services à des pays de second rang, et bénéficier ainsi d’une carrière internationale ou en club qui ne leur était pas possible dans leur pays d’origine», analyse Hervé Andrès, spécialiste des migrations et des relations interethniques et interculturelles.
Le Qatar illustre bien cette nouvelle compétition planétaire. Il a choisi le sport comme vecteur de communication et compose des équipes formées de coureurs d’origine éthiopienne ou kenyane, d’haltérophiles d’origine bulgare, de footballeurs brésiliens, etc.
L’avenir? Des Jeux Olympiques a-nationaux: les logos et les sponsors auront remplacé les emblèmes des pays. La globalisation du marché des passeports sportifs ne fait qu’accélérer cette évolution.
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Les enjeux et problèmes de la nationalité dans le sport étaient justement le thème d’une rencontre organisée par le Centre International d’Etude du Sport en novembre dernier au Musée Olympique de Lausanne.
Face aux changements de nationalité, de plus en plus fréquents dans le sport, les instances internationales réagissent au coup par coup et créent des inégalités de traitement entre les athlètes. Car les règles d’obtention de la nationalité varient énormément d’un pays à l’autre.
A l’issue du séminaire, Jacques Rogge, le président du CIO, a affirmé qu’une unification des règles autour d’un dénominateur commun pour toutes les fédérations sportives méritait d’être étudiée. La notion de sport national n’est pas près de disparaître, a-t-il dit, insistant sur le fait que les problèmes de nationalités se sont pas un phénomène purement lié au sport.
Bel euphémisme pour admettre que chacun pourra continuer à bricoler dans son coin.