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François Berthoud, l’élégance en deux dimensions

L’artiste neuchâtelois est convoité par les marques de mode et les magazines les plus prestigieux. Son secret: mélanger outils rudimentaires et méthodes high-tech. Il s’explique.

Si les images de François Berthoud ont autant de succès dans les magazines branchés, c’est peut-être parce qu’elles paraissent hors du temps. Elles pourraient provenir d’un passé lointain comme d’un futur proche. Impossible de les dater avec précision. Elles résistent. Alors que les autres images de mode s’évertuent à capter l’esprit de la saison, celles de François Berthoud, né au Locle en 1961, s’amusent à définir une élégance immuable.

On comprend que, depuis une vingtaine d’années, l’artiste neuchâtelois compte parmi les deux ou trois illustrateurs les plus demandés par les grandes maisons de Paris, Milan, New York ou Tokyo: il réussit à transformer l’à-la-mode en indémodable.

Quel est son secret de fabrication? «Quand je dois illustrer un vêtement ou une collection, je me concentre sur un détail précis, auquel j’essaie de donner une forme, une tenue en soi. Mon travail a une certaine longévité car petit à petit, l’élément de la mode s’estompe, et une autre image émerge.»

Ses travaux sont régulièrement publiés en grand format dans le New Yorker, Harper’s Bazaar, Vogue (éditions française, italienne et nipponne), Numéro et le New York Times Magazine. «J’ai commencé à avoir du succès vers 1984, raconte-t-il. Après mes études en graphisme à Lausanne, j’étais parti pour Milan, où je travaillais pour la revue Vanity. La scène milanaise connaissait alors un bouillonnement incroyable, très favorable pour émerger. Il y avait une demande pour des images différentes. Cette explosion m’a permis de publier mes premières illustrations et de me faire connaître en Europe, au Japon et aux Etats-Unis».

Aujourd’hui, ses illustrations de presse n’occupent que la moitié de son temps. Le reste, il l’emploie à des travaux personnels, ou alors pour des commandes de Prada, YSL, Hermès ou Givenchy.

Que des marques aussi différentes fassent appel à ses services démontre bien son indépendance de style: François Berthoud n’est pas ligoté à un univers esthétique. Il préfère expérimenter les techniques qui sauront révéler une idée, un concept ou une émotion. «Mon travail, c’est de mettre en image leur histoire. J’y suis habitué, même s’il m’arrive parfois de ressentir le poids de la commande.»

Dans son atelier milanais, où il travaille avec deux assistants, il utilise toutes sortes d’instruments, du plus rudimentaire au plus high-tech, depuis le poinçon jusqu’à l’iMac. «Mes outils couvrent 500 ans de technologie», dit-il en riant. On devine qu’il aime mélanger les méthodes de travail.

«Au début, mon but était de faire converger le traditionnel brutal au moderne le plus craquant possible. Et puis j’ai innové, j’ai exploré des techniques inconnues. Si j’ai élargi mon éventail d’outils, c’est parce que mes clients me demandent tout le temps des images nouvelles.»

François Berthoud aime les les collisions, le brouillage des repères. Au point qu’il est parfois difficile de déterminer ce qui, dans ses images, relève de la gravure sur bois, du papier mâché, du logiciel Photoshop ou du linoléum. Seule constante: un aspect un peu rugueux, comme patiné par le temps. Aux antipodes de l’univers cosmétique qui hante les magazines de mode.

«Je veux me distinguer des images lissées, tellement lissées qu’elles paraissent mortes», dit-il. C’est sa marque de fabrique. «Mes clients savent que je peux véhiculer ce côté luxueux, exclusif, fait à la main. La rugosité, la matière, l’accidentel, sont des domaines dans lesquels je me sens à l’aise.»

Faut-il en conclure qu’il se méfie de l’ordinateur? «Non. Le numérique m’intéresse, mais seulement quand il implique un traitement total. Je ne veux pas l’utiliser pour des petites retouches.»

En contemplant les images qu’il exposait récemment à la galerie Cramer et Cramer, à Genève, on peut se demander si François Berthoud ne se sent pas parfois à l’étroit dans l’univers de la mode… «Le vêtement continue à m’intéresser car derrière lui, il y a le corps, la figure. Et j’ai la chance de pouvoir créer de façon totalement autonome. Même si il y a davantage d’échanges quand je travaille pour des magazines, je bénéficie toujours d’une grande liberté de mouvement. Cela dit, je me dirige actuellement vers des oeuvres autonomes, que je réalise sans commande.»

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Une version de cet article a été publiée dans le magazine BabooTime de juin 2005. Images: copyright François Berthoud.