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L’impossible diplomatie

Les bons offices de la Suisse pour résoudre la crise ukrainienne sonnent comme une tentative de se faire pardonner l’absence de tout soutien militaire.

C’est beau la diplomatie. Bien plus beau que la guerre – et bien plus propre. Surtout quand on n’y regarde pas de trop près. Ça ne verse pas de sang, ça ne mange pas de pain. Surtout la diplomatie à la Suisse, assaisonnée avec cette poudre de perlimpinpin appelée neutralité.

Beau comme ce «sommet international pour la paix en Ukraine», qui sera organisé en Suisse, et annoncé après la rencontre entre la présidente de la Confédération Viola Amherd, et le président ukrainien Volodymyr Zelensky, à Berne.

On s’extasie, on applaudit, on se congratule, on se félicite du rôle important que retrouverait la Suisse sur la scène internationale, grâce à cette neutralité quasi inscrite dans les gênes.

Mais la Suisse pouvait-elle faire moins? Jusqu’ici, en refusant obstinément toute livraison d’armes et de munitions à l’Ukraine, elle a de facto, militairement et non pas diplomatiquement, servi les seuls intérêts de la Russie.

On pourrait même soutenir, avec un brin de mauvaise foi, que, bannière de la neutralité au vent, Berne a contribué, à sa modeste façon, et comme bien d’autres pays européens, aux difficultés que connaît actuellement l’armée ukrainienne sur le terrain.

Pas sûr pourtant que l’une, l’initiative diplomatique, puisse vraiment compenser l’autre, le manque de soutien militaire. On ne voit pas bien en effet, de quoi pour l’heure cette diplomatie pourrait être le nom.

Avec d’un côté une Ukraine refusant, comme il semble assez normal et comme le ferait tout Etat agressé, la moindre concession territoriale, et de l’autre une Russie qui a déjà annoncé mille fois qu’elle négocierait, oui, mais à ses seules conditions, c’est-à-dire qu’elle ne négocierait rien du tout.

Le dialogue de sourds semble plus qu’une hypothèse. Il suffit par exemple de regarder comment ont été accueillis à Moscou les divers balbutiements diplomatiques de la Suisse ces derniers jours.

La veille de l’arrivée de Zelensky en terre confédérale, Ignazio Cassis s’exprimait à Davos devant les délégations de 80 pays. Pour asséner notamment, qu’il n’y aurait «pas de paix sans que la Russie ait son mot à dire».

Enthousiasme général du côté du Kremlin, chez les soutiens zélés de l’autocrate Poutine. Experts, conseillers occultes et politologues à la botte ont salué cette Suisse qui «malgré sa taille» constituerait un maillon «essentiel à toute négociation internationale». Bref, se sont réjouis qu’enfin un pays occidental fasse preuve de compréhension envers les visées expansionnistes de la Russie.

Pas plus tard que le lendemain, après l’annonce que la Suisse accueillerait le fameux sommet sur la paix, l’ambassade de Russie à Berne entonnait une tout autre chanson: «C’est avec regret que nous constatons que les autorités fédérales suisses ont une fois de plus prouvé qu’elles étaient prêtes à ne prendre en considération que la position ukrainienne. Il ne peut être question de véritable neutralité.»

Résumons: comme s’il s’agissait de se faire pardonner sa frilosité absolue en matière de soutien militaire à l’Ukraine, la Suisse accepte avec enthousiasme, et à la demande ukrainienne, de mettre ses bons offices diplomatiques à disposition.

Ce qui a pour la Suisse l’avantage d’évacuer définitivement la question d’un soutien militaire, que lui interdit de facto son nouveau rôle de médiateur. Tout en ne récupérant cependant pas une once de crédibilité en matière de neutralité, puisque c’est pour l’essentiel le plan de paix ukrainien qu’il s’agira de défendre.

Autant dire qu’à ce stade du processus on semble encore plus proche de la communication creuse que de la percée décisive. Ce qu’Ignazio Cassis résume à sa façon, en langage cette fois hautement diplomatique: «Les contours ne sont pas encore clairs. Ce n’est pas l’idéal, mais nous agissons.»

Traduction possible: «Mieux vaut n’importe quoi que rien du tout.»