LATITUDES

Tu veux toujours fumer? Ton visage ressemblera à ça dans 30 ans

C’est peut-être la méthode miracle pour dissuader les jeunes de fumer. Elle montre votre visage prématurément vieilli sous l’effet du tabac. Radical.

Quand on sait qu’un des géants du tabac soutient près de cent programmes de prévention du tabagisme chez les jeunes, on est en droit de se poser la question de l’impact. On voit en effet mal Philip Morris venir porter délibérément atteinte à ses intérêts. En tablant sur l’inefficacité des méthodes mises en œuvre jusqu’ici, l’entreprise américaine n’a pas couru grand risque.

Personne ne parle ouvertement d’échec au sujet de ces tentatives. Et pourtant! Chaque écolier, au cours de sa scolarité, a visité au moins une fois une exposition itinérante censée le dégoûter à tout jamais des cigarettes. Photos de poumons carbonisés par la nicotine, artères obstruées par le cholestérol et tumeurs bourgeonnantes sont là pour l’effrayer.

L’objectif visé est clair: créer l’effroi face aux risques encourus. Mais pour des enfants de 10 à 15 ans, ces risques à long terme demeurent bien abstraits. Preuve en sont les récentes informations récoltées dans le cadre de l’Enquête mondiale sur le tabagisme chez les jeunes (Global Youth Tobacco Survey ou GYTS). Entre savoir sa santé menacée d’ici quelques décennies et accéder à un plaisir immédiat, à cet âge-là, le choix est vite fait!

La nouvelle méthode, baptisée At Face Value quitte le registre de la santé pour celui du look. Un saut de l’«être» au «paraître». De l’être en bonne santé au paraître jeune longtemps.

Dans le cadre d’une étude scientifique, des étudiantes américaines ont été photographiées. Puis, grâce au programme informatique April (Age Progression Image Launcher) produit par Core Digital Productions, à Toronto, elles ont pu visualiser deux extrapolations de leur visage dans trente ans. L’une avec un passé de fumeuse (un paquet par jour) et l’autre vécu dans l’abstinence.

Cette confrontation visuelle individualisée a provoqué de très fortes réactions, allant du silence stupéfait à des exclamations du genre «jamais je ne deviendrai comme ça!». Mais surtout, les réponses à un questionnaire, avant et après le test, «permettent d’imputer une influence très bénéfique de ce type d’images pour susciter une attitude de rejet de la fumée», estiment les auteurs.

De précédentes études associant tabagisme et visage prématurément ridé ont permis d’adapter le programme April au cas particulier de la fumée et du vieillissement. Ce logiciel «âge/rides» est unique dans la mesure où ses algorithmes sont basés sur des photographies d’une cohorte de 2’000 personnes.

Pas besoin d’un matériel sophistiqué pour s’improviser missionnaire anti-clopes. La démonstration ne requiert pas plus de cinq minutes par personne. Les images peuvent être projetées à l’aide d’un projecteur LCD à une classe, par exemple. Le programme nécessite un PC ou un ordinateur portable équipé d’une carte graphique à trois dimensions, une caméra digitale avec un trépied, un écran noir et deux lampes de photographe. La licence du programme coûte 5000 dollars.

Dans une société où règne la tyrannie des apparences, devenir prématurément une «vieille peau» n’est pas facile à envisager. La lecture de l’ouvrage que vient de publier le sociologue Jean-François Amadieu , «Le Poids des apparences» (éditions Odile Jacob), l’atteste, si besoin était.

Recourir à la crainte de la discrimination par le look pour encourager les jeunes à ne pas fumer; on n’y avait pas encore pensé. Cette démarche sera-t-elle plus porteuse que celles orientées sur la seule santé?