LATITUDES

Lausanne à l’avant-goût de la cuisine de demain

Entre diversité culinaire, cartes locavores et saveurs véganes, l’offre lausannoise intègre avec succès les concepts novateurs, à déguster aux grandes tables, dans les bistrots du coin et jusqu’aux «food trucks». Pôle mondial de l’alimentaire et des métiers de l’accueil, la région est devenue l’un des lieux où s’invente l’avenir de la restauration.

De toutes les facettes lausannoises rayonnant à l’international, la gastronomie occupe une place importante. Cela a encore été mis en évidence par le fait qu’en octobre, l’Hospitality Business School (EHL) accueillait pour la première fois la prestigieuse cérémonie des étoiles Michelin Suisse, récompensant le meilleur de la restauration. Une collaboration instaurée pour trois éditions permettant de souligner la recherche d’excellence commune au célèbre guide et à l’EHL, classée meilleure école hôtelière du monde. Parmi les 300 établissements lausannois, nombreux sont ceux qui privilégient les nouvelles tendances, mettant souvent à l’honneur le bio et la cuisine locavore, permettant de s’inscrire dans une démarche durable en limitant les transports. On y déguste des produits de saison issus des cultures vivrières de la région, respectueuses de l’environnement. Les végétariens ont de quoi se régaler également, avec la multiplication des adresses sans viande ou sans aucun aliment d’origine animale.

L’offre lausannoise, très variée entre cuisine traditionnelle et gastronomie des quatre coins du monde, se déploie d’un bout à l’autre de la ville dans des établissements ou sur le pouce, grâce, entre autres, aux food trucks. Sans oublier que la capitale vaudoise et ses environs offrent une concentration rare de tables étoilées.  La foodtech fait aussi partie des spécialités locales. L’innovation est reine du côté de Vers-chezles- Blanc où Nestlé emploie une équipe de classe mondiale pour explorer et inventer l’alimentation du futur. Autant de compétences gustatives dont profite l’ensemble de la région. Exploration d’une ville où s’invente la gastronomie de demain.

Un laboratoire culinaire insolite

En mai ouvrait place du Tunnel, grâce à un financement participatif, le « centre culinaire créatif » Deli Social. Rhys Williams, architecte gallois également cuisinier ayant participé à l’émission Master Chef et sa compagne, la designer Emily Groves, sont les promoteurs de ce café se voulant aussi librairie culinaire, atelier et résidence d’artistes. Presque chaque midi, on peut y déguster trois sandwiches originaux accompagnés de desserts ou se les faire livrer. Selon sa fondatrice, « Deli Social se trouve à cheval entre la résidence d’artistes et l’incubateur d’entreprises. L’idée est d’offrir une plateforme d’expérimentation collective pour générer de l’innovation dans la manière de s’alimenter, mais aussi les interactions avec le design et l’industrie.» Dans un registre similaire, signalons aussi le collectif Cang Tin. Cette association marie gastronomie, arts appliqués et artisanat vietnamiens.

Lausanne se met à table

Lausanne à Table est un incontournable pour qui aime bien manger. Cette association, née en 2014 de l’octroi du titre « Lausanne Ville du Goût » par l’Association suisse de promotion du goût, « met en valeur par l’événementiel des produits alimentaires et leurs artisans », décrit le critique Pierre Thomas. Elle rassemble 200 acteurs locaux du monde gastronomique et organise plus d’une centaine de dates gourmandes et souvent insolites de mi-mai à mi-décembre pour faire découvrir la diversité culinaire de la ville. Et « il y en a pour tous les goûts », comme le précise leur slogan. Des tables éphémères, des tables conviviales chez les chefs, des pintes ouvertes, une battle « chasselas raclette », une fondue d’automne dans le parc de Valency figurent parmi les événements ayant déjà eu lieu et qui pour certains reviennent à chaque édition.

Lausanne participe également à la Semaine du goût suisse, manifestation créée sur le modèle français en 2001 par les Vaudois Josef Zisyadis, Marc Rosset et Pierre Berger, également cofondateurs de l’Association suisse de promotion du goût. Elle vise à valoriser les produits de proximité et permet la rencontre des professionnels des métiers de bouche et du public. Elle a vite pris une ampleur nationale et recense chaque année, en septembre, plusieurs centaines de rendez-vous à travers le pays. Depuis 2004, la capitale vaudoise héberge aussi l’association Patrimoine culinaire suisse qui répertorie dans son Inventaire du patrimoine culinaire suisse plus de 400 produits alimentaires traditionnels et détaille leur mode de fabrication et leur histoire.

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La Riponne, royaume des «food trucks»

Faire le tour du monde sans quitter Lausanne ? La chose est possible grâce aux nombreux food trucks présents au centre ville chaque jour en semaine de 11h à 14h. Furieusement en vogue depuis dix ans, ces camions restaurants font rimer restauration rapide et qualité. Ils sont sélectionnés sur appel d’offres et dossiers. La place de la Riponne est le centre névralgique de cette nouvelle manière de manger qui se pratique aussi à Sévelin, au parc de Milan, au Grand-Pré et devant le Bâtiment administratif de la Pontaise. On peut ainsi se délecter de spécialités camerounaises, iraniennes ou jamaïcaines, de crêpes, de bubble tea ou encore de momos tibétains. Liste non exhaustive ni figée. « Lausanne a accueilli le premier Food Truck Festival de Romandie en 2015 et on avait eu un immense succès. Suite à cela, la Commune avait investi d’autres places et étoffé son offre », rappelle Élise Rabaey, responsable gastronomie et événements à la Ville de Lausanne. Chaque année à la Pentecôte, le Miam Festival fait aussi la part belle aux food trucks. L’événement réunit plus d’une cinquantaine d’artisans du goût, permettant de découvrir en un seul lieu la grande variété culinaire d’une ville qui compte 160 nationalités. Une manifestation que The Independant avait classé en 2017 dans son top 10 des meilleurs festivals gastronomiques d’Europe !

Les anciens de l’EHL dynamisent la ville

Quel est le point commun entre des établissements aussi divers que Le Pointu et ses brunchs cultes, la trattoria Un Po’ Di Più, le bar à vin participatif Ta Cave, le bar-resto d’inspirations sud-américaines Lucha Libre, l’incontournable libanais Obeirut, les burgers de Crrsp ou encore les spécialités de cafés de Ça passe crème ? Ils ont tous été créés par des alumni de la Hospitality Business School (EHL), fondée en 1893 et qui arrive en tête des écoles hôtelières internationales au classement du prestigieux QS World University Rankings.

Ces enseignes misent sur des produits locaux et de qualité, souvent issus de l’agriculture bio ou raisonnée et un cadre cosy, original et branché. « Plusieurs tendances s’inscrivent dans l’avenir de la gastronomie, notamment le local, le saisonnier et le durable », commente Patrick Ogheard, doyen des Arts pratiques et codirecteur de l’Institut de nutrition R&D à l’EHL. « Nous autres, anciens de l’EHL, mettons à profit le réseau que nous avons pu tisser lors de nos études et nous misons sur notre connaissance du terroir local et un amour certain de Lausanne », résume Julien Caure, cofondateur de la cave urbaine Street Cellar.

«Un tiers de nos étudiants sont intéressés par l’entrepreneuriat qui est une voie royale pour mettre en pratique notre ADN managérial et notre sens de l’accueil», précise Lucile Muller, responsable communication à l’EHL. « Lausanne reste un endroit stratégique charriant une vaste clientèle internationale estudiantine et ces nouveaux établissements jeunes et originaux lui conviennent à merveille. Ils illustrent une stratification de la mondialisation de l’assiette », décode le critique culinaire Pierre Thomas, coauteur du récent livre “111 lieux à Lausanne à ne pas manquer”.

Pour s’immerger complètement dans la démarche «kilomètre zéro», le gastronome recommande les deux établissements tenus par Romano Hasenauer, diplômé de l’EHL et actuel président de Lausanne à Table (voir page 45). « À l’auberge du Chalet des Enfants, au milieu d’une clairière idyllique perdue dans les Bois du Jorat, Romano Hasenauer mise sur une agriculture de proximité. Dans cet établissement labellisé Swisstainable Niveau II, il

concocte des plats d’inspiration locale avec des produits parfois issus de ses 1000 m2 de potager bichonné en permaculture et biodynamie par son équipe et lui. Il a aussi remis au goût du jour le boutefas, gros saucisson typiquement vaudois et depuis peu AOP. Et à l’Auberge de Montheron, premier établissement suisse romand à avoir obtenu le label vert du Guide Michelin, il applique, avec son chef de cuisine, la même philosophie locavore. »

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Un chocolat de prestige pour Lausanne

Tous les deux ans depuis 2012, la Ville désigne son chocolat officiel pour une période de deux ans. Faute de concours en 2020 pour cause de pandémie, l’heureux élu de 2018, la chocolaterie Buet, avait conservé le titre de chocolat officiel lausannois jusqu’en 2022. Son successeur a été dévoilé début novembre : il s’agit de la Confiserie Christian Boillat. « Son chocolat régalera les hôtes de la Ville jusqu’en 2024 à la fréquence de 500 à 1000 boîtes par année en fonction des manifestations prévues », explique Patrizia Darbellay, responsable du concours à la Ville de Lausanne.

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Recherches flexitariennes dans les laboratoires de Nestlé

Connaissez-vous le Vuna, ce «thon» végane que l’on trouve dans les supermarchés ? Avez-vous remarqué que les Smarties sont désormais emballés dans un papier spécial ? Ces inventions sont nées à Vers-chez-les-Blanc, sur les hauts de Lausanne. Là, le géant suisse de l’agroalimentaire Nestlé possède depuis 1987 son Centre de recherche Nestlé (CNR). Quelque 800 collaborateurs de 50 pays y travaillent. Ces nutritionnistes, biochimistes, physiciens, technologues en denrées alimentaires, immunologues, informaticiens et autres scientifiques planchent sur la nutrition, la santé et la nourriture de demain. «Nous avons dans notre équipe plusieurs chefs étoilés qui contribuent à traduire nos découvertes dans des produits appétissants. Nos recherches fondamentales, faites parfois en partenariat avec notre Nestlé Institute of Health Sciences de l’EPFL, trouvent toujours des applications concrètes», souligne Melanie Kohli, porte-parole chez Nestlé.

«Nous travaillons sur toute la chaîne de l’agriculture à l’emballage, en passant par l’impact de l’alimentation sur la santé, la mobilité et les capacités cognitives chez les humains ainsi que sur les animaux de compagnie.» Ces dernières années, le CNR met l’accent sur les meilleures manières de nourrir le monde de demain, par exemple en étudiant les plantes résistant le mieux à la sécheresse, en pensant une alimentation flexitarienne et en recherchant des alternatives aux protéines animales. Rayon innovation, notons aussi que Lausanne accueille depuis cette année le FoodHack Summit. Cet événement d’envergure, qui réunit des entrepreneurs foodtech internationaux, se déroulera en mai 2023.

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Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans The Lausanner (n° 10).