LATITUDES

Faire face à la crise, encore et toujours

À l’instar du célèbre village de la bande dessinée «Astérix», le CHUV résiste depuis deux ans à la pandémie de Covid-19. Une prouesse rendue possible grâce au savoir-faire et à la résilience des équipes, qui ont mis en place des stratégies ingénieuses pour s’adapter dans le temps et surmonter les difficultés. Comment ces services se sont-ils organisés face aux vagues successives du virus ? Témoignages.

«Mieux anticiper les alertes grâce à une bonne communication»

Laurence Delessert, Infirmière au Centre de réadaptation gériatrique du Service de gériatrie, Sylvana

«Jeune diplômée, j’ai commencé mon engagement au CHUV fin 2019. Trois mois plus tard, je me suis retrouvée dans une situation totalement imprévue, mais qui a cependant eu un impact positif sur ma capacité d’apprentissage et d’adaptation au métier. Il faut dire aussi que nous avions un bon équilibre entre collègues expérimentés et novices. Se retrouver projetés vers l’inconnu a renforcé le soutien mutuel. Deux ans plus tard, l’expérience aidant, nous avons gagné en sérénité. Grâce à la bonne communication qui règne au sein de l’équipe soignante, nous arrivons à mieux anticiper les alertes cliniques, les stratégies adéquates ou les soins à réaliser. Nous échangeons beaucoup plus entre nous, mais aussi avec les médecins, ergothérapeutes ou physiothérapeutes.»

_______

«Des réunions debout, pour être plus efficace»

Dr Antoine Garnier, Médecin cadre au Service de médecine interne, responsable de la cellule de crise du service

«Pour faire face à la situation initiale, nous avons organisé notre gestion de crise en nous basant sur trois piliers : la création d’une cellule de crise, la définition d’un rythme de conduite et la mise en place d’une communication interne de crise. Ce dernier point a été crucial. Au lieu de multiplier les informations tous azimuts, nous avons pris le contrepied, en instituant un ‹ huddle ›, une réunion debout de dix minutes, tous les jours à midi, à laquelle tout le monde pouvait participer. À l’heure actuelle, il a encore lieu trois fois par semaine. Ce point de rendez-vous régulier a joué un rôle important dans la confiance des collaborateurs et collaboratrices : les nouvelles informations étaient livrées immédiatement de manière transparente. C’était aussi la possibilité d’entendre les préoccupations et les idées du terrain. La crise nous a permis de mieux comprendre notre manière de travailler et de fonctionner ensemble.»

_______

«Des soins sur les terrasses»

Milena Goux-Abreha, Infirmière-cheffe d’unité de soin au CUTR (Centre universitaire de traitement et de réadaptation gériatrique) du Service de gériatrie

«Ce qui m’a marquée durant cette période, c’est notre capacité d’adaptation, tant pour les soins que pour la communication avec les patients et leurs familles. Des moments de débriefing ou de point de situation avec les équipes se sont multipliés autour des cas complexes, même si cela ne s’est pas produit aussi souvent que je l’aurais souhaité. L’investissement intense de toutes et tous a créé une forte cohésion dans les équipes. À tout moment, les collaborateurs se rendaient disponibles pour des remplacements ou des renforts. Nous avons appris à être encore plus créatifs, innovants et nous nous sommes davantage investis sur les moments clés de la prise en charge des patients. Les séances de thérapie étaient par exemple données en groupe sur les terrasses lorsque le temps nous le permettait en y associant des moments récréatifs pour pallier le manque de socialisation des patients. Nous avons renforcé les rencontres au sein de l’équipe d’encadrement. Du fait du nombre important d’informations et de recommandations qui circulaient, nous avons créé ‹ Cover ›, un feuillet d’information local, qui est devenu un canal de communication très apprécié par tout le personnel du CUTR.»

«S’organiser au jour le jour»

Donato Pagano, Responsable du restaurant du personnel au BH08

«Je me rappelle que le printemps 2020 a été une période très tendue, tout le monde avait la boule au ventre, voulait rentrer à la maison en plein service. Cela a nécessité un important travail relationnel au quotidien, demander ‹ Comment ça va ? › à chacun. Nous avons ensuite accueilli des personnes touchées par la fermeture des restaurants hors du bâtiment hospitalier principal. Cette situation inédite a permis de doubler le nombre de collaborateurs et de collaboratrices par station du restaurant. Avec l’avantage de diminuer le stress ou la fatigue des équipes et de pallier les absences. Il faut dire que nous avons parfois eu plus d’un tiers de malades au sein de l’équipe. Nous avons toujours pu proposer notre offre complète, même s’il a souvent fallu s’organiser au jour le jour. Le dynamisme et la flexibilité dont tout le monde a fait preuve ont eu un effet bénéfique, nos liens se sont renforcés dans la difficulté.»

_______

«L’importance d’entendre dire merci»

Laurine Dubouchet, Infirmière en consultation préchirurgicale et à l’Unité d’accueil pré-chirurgical

«Au printemps 2020, j’ai été appelée en renfort de l’équipe covid en chirurgie, en raison de la forte baisse de l’activité de mon service. Lors de la deuxième vague, je me suis proposée pour rejoindre les soins intensifs, forte d’une expérience passée dans le domaine. Depuis, je réponds encore aux besoins dans divers services, selon les absences. Dans la vie, j’essaie de voir davantage le positif que le négatif. Je retiens donc de cette période le développement de nouvelles relations aussi enrichissantes qu’utiles à mon travail habituel, mais aussi et surtout une polyvalence, une adaptabilité nécessaire à chaque instant. La reconnaissance de la hiérarchie a également été très importante pour tenir le coup : entendre dire ‹ merci ›, se sentir valorisée et entendue permet de renforcer sa motivation et sa disponibilité.»

_______

Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans In Vivo magazine (no 25).

Pour vous abonner à In Vivo au prix de seulement CHF 20.- (dès 20 euros) pour 6 numéros, rendez-vous sur invivomagazine.com.