La ménopause est de plus en plus abordée ouvertement. Une évolution qui influence les pratiques médicales.
Article écrit en collaboration avec Arthur Du Sordet
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«C’est littéralement comme si quelqu’un avait mis une chaudière dans mon corps», raconte publiquement Michelle Obama en août 2020 dans «The Michelle Obama Podcast». Ces dernières années, une révolution autour de la ménopause s’est déclenchée. En juillet dernier, la série israélienne Hamishim-Cinquante, diffusée sur Arte, aborde à son tour les clichés qui entourent cette période particulière de la vie des femmes.
Médicalement, la ménopause est définie comme la cessation des règles: elle se déclenche quand la production d’ovules n’est plus possible. Maux de tête, bouffées de chaleur, troubles du sommeil et perte de libido, la liste des symptômes est longue. Des désagréments pour lesquels les femmes concernées rapportent recevoir peu de soutien et de compréhension de la part de leur conjoint, ou de leur entourage au sens large. «Au même titre que les règles, ces problématiques sont socialement considérées comme des discussions de ‘bonne femme’ et restent peu abordées», dit Cécile Charlap, sociologue et auteure du livre La Fabrique de la ménopause, pour lequel elle s’est entretenue avec de nombreuses femmes ménopausées.
«La ménopause est la période de la vie reproductive qui est le moins considérée, explique Nicolas Vulliemoz, responsable de l’unité de médecine de la fertilité et endocrinologie gynécologique du CHUV. Elle revêt un caractère négatif.» D’une part, parce que le sujet relève de la sphère intime. De l’autre, parce que ses symptômes peuvent être gênants et donc difficiles à aborder.
Le médecin est cependant convaincu que le silence autour de la ménopause commence à se dissiper grâce à la présence plus importante des femmes dans la sphère publique. «Conjointement à cette évolution, on observe davantage d’ouverture sur des thématiques comme la ménopause ou l’infertilité. La femme a longtemps été valorisée pour ses capacités reproductives. Désormais, c’est moins le cas. Ce changement contribue à écarter la vision négative souvent associée à la ménopause.»
Des gynécologues longtemps désintéressés
Le tabou autour de la ménopause provoque également une incidence sur les pratiques médicales. «Ce qui m’a frappée, c’est le manque d’intérêt de mon gynécologue, se rappelle Séverine*, 57 ans. Il m’a prescrit des hormones pour soulager mes symptômes, mais sans explications. En discutant autour de moi, je me suis rendu compte que ce constat était généralisé.»
Des gynécologues qui donnent des traitements hormonaux sans prendre le temps ni d’en expliquer les conséquences ni de sensibiliser les patientes, c’est aussi le constat que Cécile Charlap a tiré de ses recherches. «Très souvent, il y a peu de dialogue. Soit la patiente et le médecin partagent la même vision et cela se passe bien, soit le médecin impose un traitement hormonal substitutif.»
Évolution des pratiques
Mais la prise en charge évolue, souligne Nicolas Vulliemoz. «Avant, on partait du principe qu’il fallait absolument un traitement hormonal au moment de la ménopause. Dans les années 2000, des études ont mis l’accent sur les risques de ces traitements, notamment sur leur corrélation avec le cancer du sein. Il y a alors eu un arrêt abrupt de ces thérapies, explique le médecin. Désormais, les indications et les contre-indications sont mieux connues.»
Aujourd’hui, de plus en plus de gynécologues semblent privilégier l’écoute et des solutions sur mesure, adaptées à chaque patiente. Un changement que la sociologue Cécile Charlap explique par une nouvelle génération de médecins formée à légitimer la parole des patientes, et possédant une plus grande conscience des questions de genre.
L’andropause toujours discrète
Parfois considérée comme le pendant masculin de la ménopause, l’andropause demeure un sujet peu abordé. Pour Nicolas Vulliemoz, l’explication est avant tout d’ordre médical : «Alors qu’on connaît la ménopause, il existe toujours un débat autour de la définition de l’andropause, détaille-t-il. De plus, les modifications hormonales chez l’homme ne peuvent pas être comparées à celles des femmes : elles n’induisent pas de symptômes invalidants.»
* Nom connu de la rédaction
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Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans In Vivo magazine (no 24).
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