Certaines personnes gravement atteintes par le Covid-19 sont placées en coma artificiel. Le but est de les protéger et de faciliter les soins. Mais le coma peut aussi être accidentel. L’urgence est alors d’en comprendre la cause afin de la traiter rapidement.
«Un patient émergeant du coma est comme pris dans une avalanche. Il ne sait plus discerner le haut du bas, il est complètement engourdi et désorienté.≫ Karin Diserens est médecin adjointe responsable de l’Unité de neuro-rééducation aigue (NRA) du CHUV. Son quotidien : aider les personnes qui sortent du coma à retrouver leurs capacités cérébrales par une stimulation des cinq sens : odeurs, musique, mouvements. Dans son unité – la seule du genre en Suisse –, les patients tentent de se remettre de leur accident au moyen d’une approche neurosensorielle, a l’instar du coureur automobile Michael Schumacher qui y avait été soigne après sa chute à skis. ≪Les connexions dans le cerveau entre la prédiction d’une action et sa réalisation concrète sont altérées, détaille Karin Diserens. Notre objectif est de rétablir ce lien en stimulant la création de nouvelles liaisons cérébrales, en insistant notamment sur les zones intactes pour que les progrès se répercutent sur les parties endommagées.≫ Répétés, familiers, individualisés, les soins thérapeutiques donnent des repères aux patient-e-s.
Contrairement au sommeil ou à une anesthésie, qui sont réversibles à court terme, le coma est un trouble de l’état de conscience sévère et pathologique. Selon l’Académie suisse des sciences médicales (ASSM), ≪un-e patient-e dans le coma a les yeux fermes et est dépourvu de réactions cérébrales a des stimuli internes (végétatifs, émotionnels) et externes (douleurs, température)≫. Pour établir la profondeur d’un trouble de l’état de conscience, les spécialistes utilisent une modélisation en deux axes. Elle repose sur un axe quantitatif, c’est-adire le degré d’éveil ou la capacité de mouvement, et un axe qualitatif, soit la perception et l’interaction avec l’environnement.
≪Les raisons du coma peuvent être multiples, explique Andrea Rossetti, professeur associe en neurologie au CHUV. Il peut être du a un traumatisme (accident de voiture, chute), a une infection (méningo-encéphalite), a une intoxication a des substances (drogues, alcool), a une attaque cérébrale, ou encore à un arrêt cardiaque (qui compromet l’oxygénation du cerveau). Dans tous les cas, plus on agit vite pour prendre en charge la ou le patient-e, plus on diminue ses risques de séquelles au cerveau, améliorant ainsi ses chances de survie. Mais c’est principalement la cause du coma qui détermine le pronostic.≫
METTRE LE CERVEAU AU REPOS
Dans le Service de médecine intensive adulte du CHUV, 15 à 20% des patients arrivent dans un état comateux. En dehors de ces cas, il est possible que, dans des situations sévères touchant d’autres organes que le cerveau et nécessitant des gestes invasifs donc très inconfortables, il soit préférable d’endormir les patients.
«Dans le cas du Covid-19 par exemple, une partie des patient-e-s gravement atteints étaient placés en coma artificiel afin d’être intubés pour faciliter leur ventilation, détaille le neurologue Andrea Rossetti. Les patients réveillés peuvent en effet avoir des réflexes de toux, de lutte, qui les empêchent d’être soignés correcte- ment.» Une personne dans le coma peut avoir des organes en état de marche, mais aura pratiquement toujours besoin d’un soutien aux soins intensifs. Il faut la nourrir avec une sonde et la mouvoir régulièrement pour éviter les escarres ou des plaies dues à une pression prolongée.
Lors d’un coma artificiel, le cerveau est mis au repos. L’état est similaire à une anesthésie générale. Les médecins utilisent des sédatifs afin que le ou la patient-e perde conscience, des analgésiques pour diminuer ses douleurs, et des curares pour paralyser ses réflexes. Objectif : diminuer la demande d’énergie pour se concentrer sur le reste du corps et combattre l’inflammation ou l’infection qui affecte le patient. ≪ Le coma artificiel est volontairement engendre par des médicaments, précise le professeur Rossetti. La cause est donc claire et il suffit de sevrer le patient pour induire son réveil. ≫
Le réveil peut néanmoins prendre du temps, complète Nawfel Ben Hamouda, médecin associé au Service de médecine intensive adulte au CHUV: «L’organisme a souvent accumulé de fortes doses de sédatifs. Les réveils de coma sont donc lents et progressifs. Un patient hospitalisé dans un coma induit pendant dix jours mettra par exemple trois à six jours à se réveiller progressivement.»
La plongée dans le coma d’une personne se caractérise par le fait qu’elle n’arrive plus à interagir avec l’extérieur mais peut conserver une perception de son environnement, des sons et des odeurs par exemple. Toutefois, ces informations ne sont pas toujours traitées par le cerveau. L’incapacité à communiquer du patient empêche parfois le personnel médical de savoir s’il est véritablement conscient ou non. Ainsi, la professeure Diserens explique qu’il subsiste plus de 30 à 40% de faux diagnostics, c’est-à-dire des situations où le patient ne répond pas et est considéré comme inconscient, mais a pourtant toujours une activité cérébrale supérieure.
Plantes aromatiques, sensation du vent ou du soleil sur la peau: pour aider les patients à recouvrer leurs capacités après un coma, un jardin extérieur thérapeutique de 300 m2 a été spécialement aménagé dans l’enceinte du CHUV. Pour Karin Diserens, «l’augmentation de la stimulation des cinq sens permet de relier les informations des lobes cérébraux et de favoriser l’interaction du patient ainsi que sa capacité de bouger et de communiquer». Cet espace extérieur permet aussi aux malades de voir leurs proches et leurs animaux de compagnie, première porte d’entrée vers les souvenirs motivant la récupération motrice. Et les résultats sont au rendez-vous: «Nous avons eu une patiente qui a commencé à réagir lorsqu’elle a pu caresser son chien», se souvient Karin Diserens. Cette approche neuro-sensorielle innovante fait ainsi du CHUV un établissement précurseur puisque c’est le seul hôpital de Suisse à avoir développé un tel dispositif thérapeutique.
UN RÉVEIL DIFFICILE
«Le coma ne peut pas durer éternelle- ment: soit l’état du patient s’aggrave et malheureusement il décède, soit il finit par ouvrir les yeux, explique Andrea Rossetti. Dès lors, son état peut varier, de séquelles légères à l’état d’éveil sans réponse, péjorativement appelé état végétatif (voir encadré). On peut toutefois affirmer que plus la ou le patient-e reste longtemps dans le coma, plus son pronostic sur le long terme est engagé. En effet, la guérison s’avérera souvent difficile et les séquelles profondes.» Contrairement aux imaginaires des films, «les réveils tardifs sont extrêmement rares», ajoute le professeur.
Les séquelles potentielles sont des troubles cognitifs, autrement dit des difficultés de mémoire, de perception, un ralentissement de la pensée. Il peut aussi s’agir de problèmes de langage, de l’équilibre, de la marche. La question des séquelles reste néanmoins toujours débattue. «Nous n’avons pas un scénario unique puisque tout dépend surtout de la cause du trouble de l’état de conscience, mais aussi de la plasticité du cerveau, de l’âge, de l’état général des patient-e-s», ajoute Andrea Rossetti.
Les patient-e-s qui sortent du coma peuvent également présenter une faiblesse musculaire acquise. «Lorsqu’un patient reste immobile et sédaté, ses muscles ne sont pas sollicités, donc leur masse diminue, développe Nawfel Ben Hamouda. Ces pertes peuvent atteindre 10% de la masse musculaire dès le troisième jour de coma. Tout le monde n’est toutefois pas concerné, la maladie en cause (en particulier les états infectieux), l’âge ou encore la santé physique entrent en ligne de compte.» Une personne jeune aura ainsi probablement plus de facilités à redévelopper ses muscles et à se remettre sur pied rapidement qu’une personne âgée.
Les conséquences des états comateux liés à une atteinte cérébrale (maladie, traumatisme, arrêt cardiaque) sont donc extrêmement variables. Pour Nawfel Ben Hamouda, spécialiste en neuro-réanimation, «la complexité réside dans cette zone grise, se situant entre l’état normal et l’état d’éveil sans réponse. Dans ces situations, nous avons recours à des examens complémentaires et à des évaluations neurologiques.
En fonction de ces résultats, des avis des différents spécialistes et des directives anticipées du patient s’il en a préalablement émises, nous discutons, entre collègues et avec la famille, des chances de réveil et des séquelles potentielles.» Les comas peuvent donc prendre des formes et des profondeurs très différentes, mais le pronostic dépend toujours largement de la cause et de la sévérité de l’atteinte.
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Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans In Vivo magazine (no 23).
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