KAPITAL

Mobilité: la grande mutation (2ème partie)

Alors que ce début de 21ème siècle se caractérise par une tendance à l’hypermobilité, la congestion des villes et la pollution remettent en question nos modes de transport. Pour répondre à ces problématiques économiques en environnementales, la mobilité se réinvente intégralement.

Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans PME Magazine.

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Retrouvez la première partie du dossier ici.

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Futurs carburants

Electrique

Avantages

Au premier abord, une voiture électrique a tout pour plaire: elle ne rejette pas de polluants  (ni CO2, ni particules fines), son moteur offre un bon rendement et ne fait pas de bruit. Elle participe ainsi à l’amélioration de la qualité de vie en ville, au niveau de la qualité de l’air et de la diminution des nuisances sonores.

Le rendement d’un véhicule électrique est de l’ordre de 95%, précise Stéphane Aver, président de Stor-H, filiale du groupe Aaqius qui s’engage depuis vingt ans pour des solutions de mobilité décarbonée. Ce qui le place en première place sur le plan de l’efficacité par rapport à tous les autres modes de propulsion existants – le rendement se mesurant par le ratio entre la puissance du véhicule et celle délivrée par le carburant en question. Le véhicule électrique se révèle économique à l’utilisation, le coût de l’électricité étant moins onéreux que celui de l’essence.

Enfin, un tel véhicule nécessite relativement peu d’entretien, contrairement à une voiture thermique: il a cent fois moins de pièces en rotation, pas de boîte de vitesse et pas d’huile à changer. De plus, grâce au freinage régénératif (récupération d’une partie de l’énergie cinétique pour en faire de l’électricité), les freins sont beaucoup moins sollicités et les plaquettes doivent être remplacées moins souvent qu’avec une voiture thermique.

Inconvénients

Le premier problème est que pour faire fonctionner une voiture électrique, il faut pouvoir la recharger régulièrement. Son autonomie ne dépasse pas les 600 kilomètres -cet élément devrait cependant rapidement évoluer avec le temps–, et les stations de recharge ne se trouvent pas encore à tous les coins de rue. Il faudrait aussi pouvoir recharger sa voiture chez soi, mais dans un pays comme la Suisse où la majorité des habitants est locataire, convaincre une régie immobilière d’installer une station de recharge dans le garage de son immeuble peut se révéler compliqué.

Le principal problème des voitures électriques se situe au niveau environnemental. Même si la technologie est propre au premier abord, elle pose le problème des métaux rares présents dans les batteries : lithium, cadmium ou encore cobalt connaîtront bientôt des pénuries à cause de l’intensité avec laquelle leurs mines sont utilisées, «sans parler des problèmes éthiques de leur exploitation», ajoute Stéphane Aver. L’élimination des batteries usagées se révèle également compliquée. Enfin, l’électricité utilisée ne vient pas toujours de sources d’énergies renouvelables.

Sur le plan financier, une voiture électrique, par rapport à une voiture à essence, coûte encore relativement chère à l’achat. Plusieurs entités, à l’échelle nationale, cantonale ou communale, encouragent cependant financièrement l’achat de ces véhicules «propres».

Hydrogène

Les avantages

Même si elle n’émerge véritablement que depuis quelques années, la propulsion de véhicules à hydrogène est particulièrement prometteuse. En effet, sur le plan environnemental, un tel dispositif ne rejette que de la vapeur d’eau. Ensuite, et contrairement à l’électricité, l’hydrogène peut facilement être stockée sur la durée. En Suisse, la première «pompe» à hydrogène a été installée en 2016 déjà.

«L’hydrogène étant obtenue à partir de l’électrolyse de l’eau, tous les pays du monde peuvent en produire et bénéficier ainsi d’une source d’énergie locale, sans avoir à dépendre de quelques Etats très puissants sur le plan énergétique», poursuit Stéphane Aver, président de Stor-H, spécialiste de l’hydrogène.

Dans une voiture à hydrogène, l’énergie récupérée au freinage est stockée dans une batterie et réutilisée au démarrage. Son rendement est lui aussi intéressant: de l’ordre de 50 à 70%, contre 20% pour une voiture thermique, 25% pour un véhicule diesel et 95% pour une voiture électrique. Les batteries d’un véhicule électrique s’useront cependant plus vite, alors qu’un moteur tournant à l’hydrogène peut facilement atteindre 10 ou 15 ans de durée de vie.

Inconvénients

Le coût d’une voiture à hydrogène ainsi que celui des infrastructures nécessaires à la recharge des moteurs constitue actuellement le principal frein. «Cela s’explique par le fait que le développement industriel de cette technologie est en cours, poursuit Stéphane Aver. Des investissements massifs pour passer la production à la bonne échelle sont cependant en train d’être déployés sur tous les continents pour plusieurs centaines de milliards de francs d’ici 2030.»

Sur le plan environnemental, la voiture à hydrogène représente une solution écologique pour autant que l’électrolyse, le procédé qui permet d’extraire l’hydrogène de l’eau, soit faite à partir de sources d’énergies renouvelables. Il ne faut pas négliger non plus que la pile à combustible, nécessaire au fonctionnement d’un moteur nourri à l’hydrogène, peut elle-même contenir des métaux rares.

Enfin, les réservoirs à hydrogène sont relativement massifs, ce qui explique que ce sont pour l’heure surtout de gros véhicules qui en sont équipés. De plus, l’hydrogène, contenu à très haute pression, peut faire craindre des risques d’explosion. L’entreprise Stor-H travaille justement sur des réservoirs à hydrogène d’une trentaine de centimètres de long, dans lesquels la pression est beaucoup moins forte, permettant ainsi d’envisager l’utilisation de cette technologie pour des véhicules plus petits, voitures individuelles, scooters ou encore vélos. La première flotte de véhicules ainsi équipés sera déployée à Genève à la fin du mois de juin.

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Quels futurs carburants dans l’aviation et le transport maritime?

La mobilité urbaine et inter-urbaine n’est pas la seule à se transformer. Pour les trajets plus longs, les défis sont immenses. Mais des solutions émergent.

  1. Vers une meilleure empreinte écologique de l’aviation

Les carburéacteurs durables (SAF) ont fait leur apparition à la fin de la décennie 2000 déjà. Ils peuvent émettre entre 40% et 95% d’émissions de CO2 de moins qu’un carburant fossile pour moteur à réaction. Ces SAF sont pour l’heure essentiellement fabriqués à partir de biomasse (végétaux et déchets). «Comparés aux biocarburants utilisés dans les transports routiers, les carburéacteurs durables sont allégés, et produits en réduisant de manière significative la part d’oxygène», explique Edgard Gnansounou, responsable du groupe de recherche Bioenergy and Energy Planning (BPE) de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL).

  1. Des bio-carburants au gaz carbonique recyclé

Les biocarburants sont souvent décriés pour les problèmes éthiques qu’ils posent: fabriqués à partir de végétaux, ils contribuent à la déforestation ou privent des populations de nourriture. «Dans les SAF, les matières premières en compétition avec l’alimentation sont évitées au profit de déchets, de matières lignocellulosiques et de végétaux pas ou peu comestibles tels que l’huile de jatropha ou la cameline, expose l’expert de l’EPFL. A plus long terme, on pourra recourir à une synthèse entre de l’hydrogène vert et du CO2 recyclé.»

  1. Des bateaux au gaz naturel liquéfié

Pour les bateaux, la solution à court terme réside dans le gaz naturel liquéfié. Combustible fossile plus propre que le diesel marine léger et l’essence bleue, il évite presque entièrement l’émission de particules fines et d’oxydes de soufre. Il permet également de réduire les émissions d’oxydes d’azote. «Leur point faible est l’émission de méthane lors de l’extraction du gaz naturel», dit Edgard Gnansounou. Des biocarburants tels que le biodiesel et le biométhanol de deuxième génération sont aussi envisagés.

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La Suisse ne regardera pas passer les trains du TEE 2.0

L’ambitieux projet ferroviaire de Trans-Europ-Express 2.0 porté par l’Union européenne ne se fera pas sans la Suisse, qui y joue déjà un rôle central.

«L’année européenne du rail», c’est 2021, et notamment parce que se concrétise cette année le projet du Trans-Europ-Express 2.0 (TEE). Cet ambitieux projet ferroviaire avait été annoncé en septembre 2020 par Andreas Scheuer, ministre allemand du transport, alors que son pays assurait la présidence du conseil de l’Union européenne. L’objectif: «proposer une offre encore plus respectueuse du climat» via un réseau de trains intercity circulant à grande vitesse et parfois de nuit entre des grandes villes européennes. Les initiateurs veulent ainsi concurrencer les vols intereuropéens en offrant une alternative écologique, ce qui réduirait massivement les émissions carbones liées aux transports.

Le TEE 2.0 est très différent du TEE 1, son ancêtre, qui de 1957 à 1991 proposait des trains luxueux à une clientèle fortunée. La popularisation de l’aviation et l’émergence du low-cost avait finalement eu raison de ce concept ferroviaire. Avec le TEE 2.0, c’est finalement la revanche de cette bataille perdue par le rail qui se joue.

La Suisse, acteur central du projet

«La Suisse n’est pas membre de l’UE mais elle se trouve géographiquement au centre de l’Europe, et ce TEE 2.0 ne peut se faire sans elle», dit Armin Weber, responsable du trafic voyageur international aux CFF. Notre pays constitue déjà, avec l’Allemagne, l’Autriche et la France, l’un des moteurs de ce projet que l’Office fédéral des transports voit d’un très bon œil. Dès décembre, un train de nuit ralliant Zurich à Amsterdam en 11 heures, en passant par Cologne, devrait être lancé. Trois ans plus tard ce sera le tour d’un Zurich–Barcelone.

«Le TEE 2.0 offre un nouveau cadre qui facilite la coopération au niveau européen. Il permettra d’accélérer la coordination des horaires de ligne nationaux entre les divers nœuds ferroviaires des pays du projet, ce qui profitera à nos lignes internationales. Ces efforts vont développer un trafic de loisirs et de business international efficace», résume Armin Weber.