CULTURE

Trouver le langage musical

Simone Young est l’un des chefs d’orchestre les plus réputés au monde. Elle raconte son parcours et sa découverte de Lausanne, où elle vient de passer quatre ans.

Lorsqu’elle parle de musique, Simone Young le fait avec émotion et poésie. La quinquagénaire australienne est aujourd’hui considérée comme l’un des chefs d’orchestre les plus importants au niveau mondial. De Sydney, sa ville natale, à New York, en passant par Berlin et Londres, toutes les grandes villes philharmoniques ont eu l’occasion d’accueillir sa direction artistique. Dans cette liste figure également Lausanne. Elle y a dirigé l’Orchestre de Chambre de Lausanne (OCL) à de nombreuses reprises durant quatre ans. Arrivée au terme de son mandat de principale cheffe invitée, elle raconte ses plus beaux moments lausannois.

Comment êtes-vous devenue cheffe d’orchestre ?

Simone Young : Le métier est né tardivement en moi. J’ai démarré ma carrière comme pianiste, puis pianiste-répétiteur à l’Opéra de Sydney. J’y jouais les partitions durant les répétitions. Un jour, en 1985, le chef d’orchestre est tombé malade et je l’ai remplacé au pied levé. À ce moment-là, j’ai senti que je venais de découvrir ma vocation. Ce fut un véritable choc ! J’étais alors une jeune femme de 24 ans qui voulait simplement faire carrière comme pianiste.

Que s’est-il passé ensuite ?

J’ai poursuivi des études dans le domaine de la musique, puis j’ai été nommée en 1986 nouveau chef résident de l’Opéra de Sydney. Puis j’ai obtenu une bourse d’études pour parfaire ma connaissance du métier et j’ai rejoint l’Opéra de Cologne. Par la suite, j’ai eu la chance d’être engagée par le grand chef d’orchestre israélo-argentin Daniel Barenboim pour diriger le Staatsoper de Berlin en 1993. J’y ai traité d’immenses œuvres telles qu’Elektra de Richard Strauss. À ce stade, ma carrière a vraiment décollé.

Précisément, quel est le rôle d’un chef d’orchestre ?

Lors d’une répétition, le chef d’orchestre doit donner un sens aux sons des musiciens afin de conférer un style particulier à l’œuvre. Le chef doit trouver un langage musical commun à tous les musiciens, et créer une harmonie dans les sons. Il y a presque un aspect mystique, car il faut aller puiser dans les émotions suscitées par l’œuvre. En ce sens, une représentation sera un succès seulement si le public partage cette même émotion et s’il se laisse guider par le langage musical.

Et dans cette fonction, le fait d’être une femme a-t-il un impact ?

Partout dans le monde, les chefs d’orchestre utilisent un langage connu de tous les musiciens. Que ce soit un homme ou une femme qui dicte son style ne change rien. Notre rôle est de transmettre des émotions et de trouver le langage de la musique.

L’Orchestre de Chambre de Lausanne vous a invitée comme cheffe à de nombreuses reprises. Qu’est-ce qui vous plaît à Lausanne ?

J’avais déjà entendu parler de l’Orchestre de Chambre avant de me rendre à Lausanne en 2015. Et sur place, j’ai découvert une ambiance et une atmosphère plaisantes et studieuses. J’ai ressenti une réelle connexion entre les musiciens et mon rôle de cheffe d’orchestre. C’était quelque chose de naturel, comme un manteau que l’on met et qui nous sied d’emblée.

Est-ce différent d’autres opéras ?

J’étais cheffe invitée de l’Orchestre de Chambre et non de l’opéra. Ainsi, les musiciens travaillent davantage ensemble et l’acoustique de la salle est totalement différente. Outre ces particularités, j’y ai découvert un sérieux et une énergie incroyables qui font de Lausanne un lieu spécial. Ici, vous sentez que les gens portent une émotion particulière à la musique.

Quels sont vos plus beaux souvenirs à Lausanne ?

Il est difficile de n’en sélectionner qu’un, tant j’ai adoré la ville, les musiciens et la connexion que nous partagions. Mais la représentation de la Symphonie de chambre n° 2 d’Arnold Schönberg était une merveille. L’orchestre a joué avec le cœur et avec précision.

Votre mandat à Lausanne touche à sa fin. Quelle est la suite ?

J’ai déjà plusieurs voyages et invitations prévus dans le cadre de mon métier. Je vais notamment faire une représentation à Amsterdam avec l’Orchestre de Chambre de Lausanne plus tard cette année, puis je vais prendre le poste de cheffe d’orchestre du Sydney Symphony Orchestra en 2022. Entre-temps, et si mon calendrier me le permet, j’espère pouvoir revenir à Lausanne.

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Une version de cet article réalisé par LargeNetwork est parue dans The Lausanner (no5).