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La Suisse prend la tête du combat anti-mercenaires

Les sociétés de sécurité privées se multiplient dans les zones en guerre. Mais tandis que la Suisse agit pour réglementer leur activité, notre enquête indique que beaucoup d’entre elles ont choisi ce pays comme base.

Des images de brutes armées jusqu’aux dents, de barbouzes avides de dollars et aguerris aux pires conflits. Ou de spécialistes en «interrogatoires», comme ceux qui ont sévi dans la prison d’Abou Ghraïb en 2003…

Les mercenaires agissent dans le clair-obscur, les mercenaires inquiètent. D’autant plus qu’ils semblent échapper aux règles légales et aux sanctions pénales. Le scandale d’Abou Ghraïb, notamment, avait vu les employés de la firme de sécurité américaine CACI International échapper à la sanction des tribunaux, contrairement à leurs compagnons de torture membres de l’armée régulière des Etats-Unis.

Il aura fallu l’Irak et les 25’000 prestataires de services militaires qui y travaillent pour que la Communauté internationale commence à se préoccuper des zones d’ombre. Aujourd’hui émerge la perspective d’une réglementation des sociétés de sécurité. En tant qu’Etat dépositaire des Conventions de Genève, la Suisse se devait intervenir.

«Il était de notre devoir, sur ce thème, de prendre une fois de plus les devants. Nous devons développer le droit de la guerre pour l’adapter aux circonstances actuelles», relève le conseiller aux Etats Philipp Stähelin (PDC), auteur d’un postulat sur le sujet.

Prochain pas de l’engagement de la Suisse dans ce domaine, la Confédération prévoit d’organiser en novembre à Montreux une réunion d’experts internationaux, en coopération avec le CICR. Deux rencontres ont déjà eu lieu en 2005, mais celle-ci aura davantage d’ampleur que les précédentes.

«A chaque fois, le cercle des participants s’est élargi, relève Claude Voillat, spécialiste du dossier au CICR. La deuxième réunion avait rassemblé les représentants d’une dizaine de gouvernements, dont les Etats-Unis. Cette fois, la Suisse veut regrouper encore plus de monde de haut rang.»

Lars Knuchel, porte-parole du Département fédéral des affaires étrangères, confirme: «C’est la première fois que nous réunissons des gens sur le plan gouvernemental dans le cadre d’une rencontre élargie.» En décembre 2005, le Conseil fédéral a en outre publié un rapport d’une soixantaine de pages analysant les possibilités de réglementer les sociétés de sécurité privées sur le plan international et national.

La rencontre sur les bords du Léman servira à clarifier les responsabilités des sociétés de sécurités privées et des Etats qui font appel à leurs services face aux lois actuelles.

«En dépit des perceptions communes, ces entreprises n’agissent pas dans un espace libre de droits», note le porte-parole du DFAE. En effet, les entreprises de sécurité privées – ou du moins leurs employés – sont soumises à une série de normes du droit international. Les Conventions de Genève, par exemple, s’appliquent à tous les individus – soldats et mercenaires – engagés dans un conflit.

Il existe également une convention de l’Union africaine pour l’élimination du mercenariat en Afrique datant de 1977 et une convention de l’ONU contre le recrutement, l’utilisation, le financement et l’instruction de mercenaires entrée en vigueur en 2001. Ce dernier texte, le plus contraignant, n’a toutefois recueilli l’adhésion que de 26 Etats. Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l’Afrique du Sud ne l’ont pas ratifiée. La Suisse non plus d’ailleurs.

Et même là où des normes existent, leur application s’avère difficile. «Les Etats et les firmes qu’ils hébergent trouvent toutes sortes de moyens pour relâcher la pression juridique, relève Claude Voillat. En Irak, l’armée et les sociétés de sécurité américaines ont passé des contrats pour soustraire ces dernières au droit irakien.»

Face à l’incurie du droit international, les législations nationales n’offrent que peu d’avantages. Ainsi, lorsque l’Afrique du Sud se dote en 1997 d’une loi réglementant le mercenariat, le patron de l’une des principales firmes de sécurité du pays, Executive Outcomes, tient ces propos édifiants: «Trois autres pays ont proposé de nous héberger et un groupe européen a même dit qu’il pourrait nous racheter.»

Le droit existant semble donc insuffisant pour réguler les activités des sociétés de sécurité privées. Plusieurs acteurs prônent alors l’élaboration d’une nouvelle norme. Philipp Stähelin évoque une réglementation «sur le modèle de ce qu’on a fait à l’ONU pour les armes légères (résolution adoptée fin 2005, ndlr)».

Il attend que la Suisse agisse, dans le cadre des Nations Unies. «Je rencontre l’ambassadeur suisse et sous-secrétaire général Nicolas Michel en novembre. Je lui enjoindrai d’empoigner le dossier.»

Claude Voillat estime de son côté qu’il faut adapter le droit des contrats. «On pourrait introduire des clauses du droit international humanitaire dans les contrats conclus entre les sociétés de sécurité et les Etats.»

Dans son rapport, le Conseil fédéral propose d’établir un modèle de réglementation unique que chaque pays pourrait transposer sur le plan national. Il règlerait la surveillance des firmes de sécurité, les obligerait à obtenir une autorisation et leur interdirait certaines activités (engagement au combat, renseignement).

Face à cette volonté de brider les prestataires de services militaires, certains Etats ne risquent-ils pas de mettre les pieds au mur? Dans l’entourage des organisateurs de la réunion de novembre, la crainte existe.

«S’il ressort de ces discussions un cadre trop contraignant et trop opérationnel, certains gouver-nements pourraient ne pas l’apprécier, souligne un observateur proche du processus. Les sociétés privées leur permettent actuellement de faire des choses “sous la table” que les armées régulières ne peuvent se permettre.»

A l’inverse, la conseillère nationale Ursula Wyss (PS), auteur d’un postulat sur le sujet, pense que «la pression mondiale est telle aujourd’hui pour réglementer ces pratiques que même les Etats-Unis se doivent de suivre le mouvement». Les mercenaires du XXIe siècle pourraient bien à l’avenir devoir troquer leur légendaire impunité contre les services d’un bon avocat …

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Les sociétés de sécurité privées apprécient la Suisse…

La Suisse a beau se profiler dans la lutte contre le mercenariat, elle abrite de nombreuses sociétés de sécurité privées. Notre enquête montre qu’il en existe plusieurs dizaines sur le territoire helvétique. Florilège.

Rien qu’à Genève il y aurait 80 firmes, 42 dans le canton de Vaud et 119 au Tessin. Le Conseil fédéral craint même que la Suisse ne devienne «une base organisationnelle et logistique» pour ces entreprises, en raison de «la stabilité de ses structures sociales, de la liberté économique garantie par sa Constitution et de sa forte position sur le marché financier global», note-t-il dans un rapport.

En 2005, il ne dénombrait toutefois que trois sociétés opérant à l’étranger – basées à Bâle-Campagne – et y voyait un phénomène «marginal».

Tara Security

La société zurichoise de protection rapprochée travaille avant tout à l’étranger. «Nous sommes spécialisés sur les zones de crise comme l’Afrique, l’Irak ou l’Afghanistan», explique Tamara Raich, la fondatrice de l’agence.

Global Guard

Sise dans le canton de Zoug, cette firme couvre «toute la gamme des services de sécurité, avec une préférence pour la protection rapprochée et l’investigation», selon son patron Marc Sax. Elle est active en Russie, Slovaquie, République tchèque, aux Etats-Unis, Brésil et en Afrique du Sud. «Nous intervenons aussi dans les pays en crise, comme le Rwanda.»

Protection Sécurité Rapprochée (PSR)

La société de Clarens est spécialisée dans l’accompagnement de personnes à l’étranger et la surveillance d’installations. Avant d’intervenir, son patron Douglas Fogoz évalue toujours la nature de la demande. «J’ai refusé un contrat en Afrique du Sud, car on me demandait 30 hommes armés. Je craignais que ce ne soit pour un coup d’Etat.»

Ronin Security Group

Cette société de Chiasso active exclusivement à l’étranger se targue d’avoir des employés «avec une expérience de lutte armée pendant la guerre des Balkans ou dans le cadre des opérations de l’Onu et de l’Otan en Afghanistan, Somalie, Sierra Leone ou a Kosovo.»

La Suisse abrite également plusieurs centres de formation aux techniques de guerre.

International Security Academy Israel (ISAI) à Bellach (SO) propose des cours donnés par un ex-membre du Mossad israélien. La formation entraîne les participants «aux engagements dans des zones à haut risque». Au menu: maniement d’une arme à feu, contre-terrorisme et techniques d’interrogatoire.

Le fondateur de l’ISAI, l’Israélien David Mirza, dit avoir choisi la Suisse «pour sa position centrale en Europe et sa législation libérale sur les armes».

Les autorités suisses ne sont pas en reste: selon une enquête portant sur 56 unités administratives, 21 avaient recours aux services d’une firme de sécurité privée en 2005.

De même, quelque 80 représentations diplomatiques à l’étranger sont surveillées par une entreprise privée. Exemple le plus célèbre: l’ambassade de Bagdad défendue par la société sud-africaine Meteoric Tactical Solutions.