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Quand le centre mou montre ses biscoteaux

Une alliance menée par le Parti démocrate-chrétien se voit déjà faire et défaire la politique fédérale à coup de consensus tissés entre les deux extrêmes. Un exercice d’équilibrisme qui pourrait cependant vite lasser.

«Le Vatican, combien de divisions?» se gaussait Staline. À cette méchante question le Parti démocrate-chrétien, moins laminé qu’annoncé par les prophètes de sinistre augure et les mécréants de tout poil, mais quand même pas loin d’être submergé sous une vague verte, répond en raclant les fonds de tiroir. En s’alliant avec les maigres troupes du parti évangélique (PEV) et du moribond PBD. Alléluia quand même une nouvelle église, plus proche certes de la chapelle que de la cathédrale, est née sous la Coupole: «Le groupe du centre».

Les grands prêtres du PDC veulent voir en tout cas monts et merveilles dans cet attelage et en attendent même des miracles, après ce qu’ils appellent carrément «une législature perdue». «Nous en avons assez des blocages de la gauche et de la droite, assez de la stagnation au lieu du progrès, assez de l’opposition au lieu de la collaboration», tonne ainsi le communiqué officiel du parti. Le centre donc agite ses petits poings, même s’il n’est pas sûr sur que les brutes de la droite dure et de la gauche sectaire en tremblent dans leurs brodequins d’extrémistes ainsi caricaturés.

Surtout que le centre restant le centre, aussitôt après la grosse colère, vint l’aspersion d’eau bénite et le sermon sur la montagne des bisounours: «Il est important pour nous de dialoguer et de discuter les uns avec les autres, pour le bien de la Suisse et de son peuple. Nous sommes en faveur d’un climat politique de partages, de discussions engagées et de consensus pragmatiques. C’est là notre façon de développer des solutions constructives.» Amen, allez en paix et ne péchez plus.

Trêve de persiflages peu charitables: bien sûr que cette recherche obsessionnelle du consensus fait partie de l’ADN de la Suisse politique et que cette fureur d’équilibre et de partage des pouvoirs, on nous l’envie aux quatre coins d’un monde en feu. Bien sûr aussi que grâce à ce mariage avec ses parents pauvres, le PDC, d’un coup de baguette magique, devient la troisième force du Conseil national (25 PDC, trois PEV et trois PBD), devant le PLR et les Verts.

Les démocrates-chrétiens s’auto-congratulent et se voient déjà en tous puissants tireurs de ficelles et faiseurs de majorité dans le prochain parlement. À l’image du conseiller national Benjamin Roduit en état de quasi lévitation: «C’est bien nous désormais qui allons pouvoir proposer les solutions nécessaires entre les deux extrêmes.» Ou du président du parti en personne, Gerard Pfister: «Aucune majorité ne sera atteinte sans le PDC au parlement ces quatre prochaines années». Mieux le philosophe zougois verrait bien le centre mou se muer en ogre irrésistible: «Nous ne voulons pas seulement être celui qui fait pencher la balance. Nous voulons produire des résultats grâce à notre propre politique.» Et même devenir «les garants de la cohésion nationale»!

La conseillère fédérale Viola Amherd veut croire que ce scénario correspondrait à la volonté des citoyens: «Le peuple veut un parlement qui parvient à des décisions rapidement et de manière pragmatique.» Voilà qui est bel et bon. Sauf que cette rapidité qu’on peut en effet imaginer comme souhaitée chez des citoyens de plus en plus pressés et chauffés à blanc par les réseaux sociaux, a rarement été la caractéristique du fameux consensus à la Suisse. Elle paraît même contradictoire avec une patiente recherche des équilibres. Aristote l’avait déjà établi: Le juste milieu ne se conquiert pas en un jour.

Enfin le PDC, plus qu’à indiquer un cap, a plutôt jusqu’ici montré sa capacité à souffler le chaud et le froid. On l’a vu encore avec ses consignes sur les prochaines votations du 9 février: un coup à gauche en soutenant l’initiative sur l’extension de la norme antiraciste à l’homophobie, et un coup à droite en refusant celle sur les loyers abordables. Avec à la fin toujours un peu le même résultat, pas forcément synonyme d’avancées majeures: balle au centre.